[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]ENQUÊTE. La famille de Jacques Heusèle, découvert dans un canal en Belgique en 2009, estime que la justice a bâclé les investigations et a décidé de porte plainte.
C'est leur dernier espoir de savoir. D'esquisser, enfin, la vérité sur les conditions de la mort de Jacques Heusèle, un assureur d'Arras dont le corps avait été retrouvé en janvier 2009 flottant dans la Sambre, en Belgique.
Au terme d'une instruction, jugée lacunaire par la famille, menée à Béthune (Pas-de-Calais), la justice a définitivement mis fin au dossier en février. Une non-conclusion pour les deux fils et la veuve de Jacques Heusèle, lesquels viennent de déposer une nouvelle plainte, cette fois devant le doyen des juges d'instruction de Lille (Nord), le juge Jean-Michel Gentil. Quatre policiers, un de Béthune et trois de la PJ de Lille, sont notamment mis en cause par la famille Heusèle, qui les accuse de « faux et usage de faux en écriture publique », ainsi que d'« obstacles à la manifestation de la vérité ».
Agé de 48 ans lors de sa disparition le 17 novembre 2008, Jacques Heusèle est alors un assureur prospère. En apparence, son cabinet tourne bien. Membre éminent du Rotary Club d'Arras, le père de famille est également très investi en politique. Il a notamment été mandataire financier d'une conseillère générale locale.
Des éléments cruciaux négligés selon la famille
Ce 17 novembre, Jacques Heusèle indique à sa secrétaire qu'il part à un rendez-vous à Valenciennes (Nord). Elle est la dernière à le voir vivant. Deux jours plus tard, sa Mercedes est retrouvée à la frontière belge. Le corps, lui, ne le sera que deux mois après. Lesté d'haltères, il aurait parcouru 30 km, et franchi neuf écluses. D'emblée, la justice avance la thèse du suicide. Une autopsie n'est diligentée sous la pression qu'en 2011, et montre que les poumons ne contiennent aucune diatomée, ces micro-organismes qui se développent en cas de noyade.
Entre-temps, Nicole Heusèle et ses enfants ont ouvert la boîte de Pandore et ont mis au jour l'inquiétante double vie de leur mari et père. Le cabinet enregistre en fait 150 000 € de pertes, auxquelles il faut ajouter les centaines de milliers d'euros que Jacques Heusèle a volés à sa propre famille. L'homme dispose d'une ligne téléphonique secrète. Surtout, ses carnets personnels laissent apparaître de multiples numéros de téléphone et noms de jeunes filles, parfois mineures, auxquels sont accolées des mentions comme « bracelets, chaînes, haltères », « casting » ou « escortes ».
« La police n'en a rien fait », dénonce Nicole Heusèle. Courant 2013, l'un des carnets, trouvé sur le corps de la victime, est pourtant saisi par les enquêteurs. Elément troublant, la page du 17 novembre est arrachée. Un élément crucial qui n'est pourtant pas mentionné sur procès-verbal.
Plusieurs éléments attestent que Christian, le frère de Jacques, connu pour des faits d'escroquerie, a été entendu deux fois dans ce dossier. « Personne n'a jamais pu voir ses PV », s'étonne Mme Heusèle. Des témoignages essentiels, notamment celui de la secrétaire ainsi que de la prédécesseur d'Heusèle à son agence, ont été selon la famille Heusèle complètement « caviardés ». « Sa secrétaire évoque une discussion récente, et violente, avec la femme politique dont il était mandataire, rapporte Nicole Heusèle. Cela ne figure nulle part. »
A deux reprises au moins, ces témoins clés ont par ailleurs attesté que leurs signatures apparaissant sur leurs auditions falsifiées avaient été imitées. « Certaines pistes, notamment sur le plan financier, n'ont pas été exploitées, fustige encore Nicole Heusèle. Depuis le départ, nous sommes face à un mur. Je sais que tout cela n'est pas du fait des policiers eux-mêmes, qui ont des instructions. Mais il faut qu'enfin les choses bougent. »
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]