Le temple d'Ayacucho (les Incas)

- Entrée

Six heures du matin, dans la jungle à trente kilomètres de Ayacucho, le petit groupe pénétra dans le vieux temple littéralement englouti par la végétation. Saisie par la fraîcheur, Béatrice grelota et se colla à Arnold. Le bâtiment était un pur chef d'œuvre inca avec ses gigantesques  pierres asymétriques et néanmoins parfaitement imbriquées. Le plafond était bien à cinq mètres, ils étaient devenus des nains. La lumière de l’aube projetait des ombres géantes, rendant les visages sculptés des murs terriblement expressifs et vivants. Ils semblaient les  suivre du regard et Véronica se blottit contre Aurélien.

Ce temple, ils l’ont choisi pour deux raisons,  sa découverte récente  fait qu’il n’est qu’en partie exploré. En effet, les rares archéologues locaux n’ont pu travaillé que sur le rez-de-chaussée, or il y a un escalier magistral qui laisse tout imaginer en sous-sol. Et ensuite justement cette  intrigante atypie, cette architecture inhabituelle: A la différence de tous les autres temples qui ressemblent à des pyramides, celui-ci est quasiment enterré, d’où sa dissimulation dans la jungle.

De plus, un groupe de deux explorateurs inconscients, y sont descendus sans préparation, … Ils n’en sont jamais revenus  ! Depuis il a été condamné et interdit au public. Mais bon, ils ne sont pas le public ! Ce sont des experts archéologues, enfin, ils le croient, …

Nos quatre apprentis Dr Jones ont conçu leur voyage comme un jeu de rôles. Et oui ce genre de jeu a démontré que c’est ainsi qu’on a le plus de chance de réussir une aventure: Il faut des coéquipiers aux talents complémentaires: Quatre  jeunes archéologues, quatre nationalités, quatre profils différents et deux couples, pour éviter “les histoires”.

Il y a en tête Aurélien, le sorcier, enfin c’est un surnom, il ne vient pas de Poudlard ! C'est le dieu de la bricole, un vrai Mac Gyver, avec un bout de ficelle, du scotch et du fil de fer, il répare tout. Son sac à dos regorge de mille choses totalement improbables pour les autres, qui lui font confiance pour résoudre les problèmes techniques qui ne manqueront pas de survenir. Ce jeune nîmois de vingt six ans, connaît tout de la romanité. Il a écumé tous les sites de la frontière espagnole jusqu’à Rome avec ses professeurs de Nimes et Arles. Plutôt taciturne, derrière son épaisse barbe, le géant de 1,90 m et 110 kilos ne passe pas inaperçu, c’est le golgoth de la bande, son deuxième  surnom. Oui il est impressionnant, et sait on jamais, parfois la dissuasion ça sert dans la vie non ? Évidemment, il ouvre la marche, car il n’a pas froid aux yeux, et que là où lui passe, et bien tout le monde passera ;-)

Evidemment Aurélien franchit sans hésitation les barrières de sécurité où il est pourtant écrit en gros caractères rouges: “muy peligroso”  . Il est talonné par Véronica, surnommée Wiki,  sa compagne, qui derrière lui,  se sent tellement en sécurité. Néanmoins elle lui tire le bras :

“Tu devrais ralentir maintenant, nous voilà en “Terra Incognita”

"Ah commence pas après un mètre, à me demander de ralentir, sinon dans deux minutes on sera à l’arrêt complet, il faut bien descendre ce premier étage non ? J’ai pas vu d’ascenseur”

Veronica éclata de rire et lui tapota les fesses, “Allez vas y mon géant, ouvre nous la voie”

Cette jeune colombienne de 28 ans a grandi en Espagne et en Colombie,  où sa maman vit  toujours. Elle a visité des dizaines de sites américains, il y en a tellement ! Aztèques, Incas, Toltèques, Chimus, Olmèques, Mayas, …. Elle est l’experte, la wikipédia du groupe pour cette exploration. Car il est clair qu'à l'intérieur des entrailles du temple il ne faudra pas compter sur google. Par contre sa liseuse est une bibliothèque universitaire avec pas moins de 100 ouvrages sur ces civilisations disparues, livres qu’elle a tous lus, dont certains plusieurs fois ! Son QI ne sera pas révélé pour ne vexer personne, mais il est très très supérieur à la moyenne haute. "Mens sana, in corpore sano”, c’est sa formule ou plutôt sa philosophie, et son esprit d’excellence est complété par un corps d’athlète, gymnaste toute son enfance puis triathlète, elle est infatigable. Son 1,75 m pour 59 kgs fait d’elle l’être le plus  équilibré de l’équipe. A l’inverse de son amie Béatrice, elle est d’un calme olympien, sa capacité de concentration silencieuse étant souvent perturbante pour les autres.

Pour le moment ils y voient très bien car un éclairage puissant avait été installé et permet de deviner qu’au bas de l’escalier d’une trentaine de hautes marches, il y a une grande salle. Il n’y a pour le moment clairement, strictement, aucun danger. En quelques secondes Aurélien est en bas et éclaire le niveau en attendant les autres...

A suivre

Angoisses

Les voilà clairement au “Level 2” et dans une expérience à venir, au-delà de tout ce qu’ils avaient pu imaginer. Rendez-vous compte, leur exploration est désormais un “run for your life”, la déesse n'avait pas du tout l’air de plaisanter. Ils étaient sonnés, …

Il était bien évident que cette rencontre était ahurissante et qu’ils avaient déjà largement de quoi débriefer dessus, mais cette phrase cinglante n’allait pas leur en donner le temps, et oui ils voulaient de l’aventure, les voilà servis. François avaient bien raison, on n’est pas dans de l’archéologie universitaire et disons le, de salon et pantouflarde, mais sur le terrain et tout peut arriver même l’incroyable, et dans ce cas le péril extrême !

Où allaient-ils donc trouver ce foutu sceptre ?

De quel démon s'agit-il ?

Qu’est ce que cache Abi dans ces coffres ?

tiendra t elle sa parole de les laisser repartir ?

Ils avaient le cerveau en ébullition et à 2 doigts de détaler sans réfléchir.

Avant que l’angoisse ne se change en panique, François qui savait ce que c'était que de risquer sa peau dans une mission, dédramatisa:

“Nous avons réussi les 2 premiers tests, nous avons les atouts pour réussir celui là. Vous vouliez explorer, et bien c’est ce qu’elle exige de nous, ça tombe bien non ? nous le ferons, avec encore plus de méthode et de motivation !”

Mais comme ils étaient heureux d’avoir un tel aventurier avec eux, quel sang froid, il semblait avoir la solution à tous les écueils et surtout, surtout, jamais peur, il était vraiment impressionnant leur François, leur lion, roi de la jungle de leurs lacunes. Ils devaient essayer d’oublier l’épée de Damoclès qui venait d’être placée sur leur tête, et reprendre le cours de ce pourquoi ils étaient là, explorer ce temple, et ça n’est pas en paniquant que ça se ferait.

Ils firent le point:

. Rez-de-chaussée et Niveau -1, le Hall d’accueil, leur base désormais, il n’y avait aucune possibilité pour qui que ce soit de s’y cacher, puisqu’ils étaient vides et bien éclairés.
. Les escaliers Est et Ouest aboutissaient  au niveau -2, qu’ils appelèrent les dortoirs et à part quelques poteries et des débris de bois, ils considérèrent que leur exploration était terminée.
. Il leur restait donc à mieux explorer ce niveau -2 Nord, celui d’Abi
. Puis d’aller à l’escalier Sud, pour achever le niveau -2
. Enfin de parachever avec l’escalier qui menait au niveau -3. (j’espère que vous suivez)

Ce point rapide eut l'avantage de chasser un peu leur peur et de les reconcentrer sur leur objectif, désormais devenu une mission, qui n’avait rien d’impossible après tout. Le cerveau doit toujours reprendre le contrôle des tripes.

Abi ne leur avait pas donné d’impératif de temps, aussi ils décidèrent de retourner à leur base, car ils étaient exténués et avaient besoin d’échanger leurs idées et de partager  leurs émotions. François en profita pour préparer un bon serpent à broche, à leur grande surprise il s’avéra délicieux et on a beau dire, quand on est stressé, un bon repas ça fonctionne toujours. Aurélien sortit une bouteille de rhum de son sac à malices. Mais quelle bonne idée ! Il fut acclamé pour cette fiole de magicien, c’était exactement ce dont ils avaient besoin pour trouver le sommeil, et personne ne se fit prier pour en boire 2 ou 3 rasades.

Ce 2e bivouac avait un goût de veillée d’armes, comme pour des soldats qui savent que demain sera peut-être un assaut fatal, une sensation assez troublante. Bizarrement, ils étaient plutôt confiants, en fait le serpent au rhum avait fait des merveilles…


- Mission Sacrée

…Ils se réveillèrent assez tôt, car cette mission avait rendu vulnérable leur sommeil, mais  la nuit porta conseil, paraît-il. D’où vient cette expression ? certainement que notre computer neuronal pédale comme un forcené pendant que nous dormons, pour trouver des solutions à nos angoisses de la journée ? Aussi en se levant ils n’avaient plus de méfiance envers Lunabigaël, il était bien évident qu’elle était un être fantastique, partiellement humaine, et que la blessure infligée à son cœur, il y a 600 ans, était toujours béante. Ces sauvages de conquistadors qui étranglèrent l’Empereur Atahualpa, n’étaient que de vulgaires  mercenaires assoiffés d’or.

Finalement ils la comprenaient, une civilisation si exceptionnelle anéantie et pourquoi ? pour de l’or!  Pff c’est triste! Ceci se paiera!

Ils sentaient quelque part que leur mission devenait sacrée: imaginez que cet empire puisse renaître avec ses architectes si ingénieux, et qu’ils puissent rebâtir Cuzco ou Machu Picchu, comme à leur origine. Pourquoi serait ce ridicule ? Pas plus qu'un Las Vegas dans le désert, … Non ?

Quant à leur religion, ma foi, prier le soleil est ce plus absurde que de bâtir des dolmens, de se prosterner devant une statue de Zeus, une croix, une fleur de Lys, de prier devant un mur, un Dieu ventripotent ou de tourner autour d’un gros caillou ?

Non seulement ils n’avaient plus peur, mais ils sentaient qu’une force les animait désormais. Ils  étaient  comme John Hammond devant ses œufs de Dinosaures. Et si cela arrivait,  et qu’ils en soient des acteurs ? On était au-delà de tout rêve fou d’archéologue…

Bien éclairé par la lumière du jour, ce niveau qu’on appellera la biosphère fut vite scruté dans le moindre recoin, il n’était vraiment que destiné à l’agriculture, un genre d’I.N.R.A. précolombien. Comme quoi on n’étaient loin d’avoir tout inventé, nous les arrogants européens !

Ils remontèrent dans le hall et essayèrent de comprendre les symboles. Pour  la flèche du Nord, ils avaient une idée assez précise. Puis ils allèrent vers l’escalier Sud, forcément ils étaient très différents et ils ne comprenaient pas du tout ce qu'ils signifiaient et  ce qui les attendait

Ils ne pourraient les traduire qu’après avoir tout exploré et compris le rôle de chaque salle. Ils descendirent sans la moindre hésitation cette fois, ils n'étaient plus les gosses euphoriques du premier jour,...

A suivre

Ils descendaient bien alignés, quasiment sans peur, leur motivation avait pris le dessus. Ils n’étaient plus des petits gratteurs de ruines, mais un commando du Soleil, déterminé à aider Lunabigaël, à restaurer la civilisation inca. Prêts à apporter leur petite pierre à une renaissance, et disons le peut-être aussi, une vengeance sur ces 180 espagnols, leurs fusils et leurs 37 chevaux maudits.

Pourtant cet escalier était lugubre, plusieurs ossements humains le décoraient, en les observant de près ils reconnaissaient des crânes fendus ou brulés, des fémurs aux multiples fractures, bref surement des pillards ou des explorateurs malmenés.

Ils n’étaient plus des spectateurs de l’Histoire mais des acteurs du présent et peut-être du futur. Bien  espacés et armés, en route vers les profondeurs après l'immense niveau - 2. Ils débouchèrent sur un long couloir, bordé de 4 portes majestueuses remarquablement conservées. Leur arrivée déclencha un étrange éclairage, une faible lueur, des torches murales venaient de s’allumer, … comme par magie. Ils pensèrent tous qu’il y avait du Abi derrière ça. Après tout elle pouvait bien les aider aussi à trouver son sceptre !

La première porte était incrustée d’or et les symboles sculptés étaient sans équivoque ceux du Dieu Soleil. Logiquement cette salle devait lui être consacrée, peut-être un temple. Sans mot dire, sur leurs gardes et déployés comme François leur avait appris. Aurélien s’avança pour l’ouvrir. Alors qu’il allait actionner la poignée, les 2 énormes battants grincèrent et s’ouvrirent lentement soulevant un nuage de poussière dorée. Une vive clarté envahit les lieux. Bien que sous terre, on y voyait comme en surface grâce à ces fameux puits de lumière, semblables à ceux de la biosphère. Les incas savaient vraiment canaliser les dons de leur Dieu, et là ils furent tout simplement éblouis.

La salle était clairement un lieu sacré, rempli d’objets en or massif, statues, vases, pots, coupelles, mais aussi, cuirasse, jambières, colliers, bracelets, couronnes, casques, … c’était absolument magnifique. Les murs étaient finement sculptés et dorés à l’or fin et racontaient l’épopée du grand peuple élu, choisi pour civiliser les primitifs. Ils reconnaissaient tout ce qu’ils savaient de cette courte histoire,  d’un jeune empire étalé sur 4000 kms en à peine 1 siècle. En fait, cette pièce évoquait pour eux une bibliothèque et un temple en même temps, rappelons que ce continent ne connaissait pas l’écrit.

Béatrice: “C’est merveilleux, nous avons là des années de travaux d’étude mes amis, prenons le temps de bien tout noter, répertorier et grâce à cette luminosité de filmer et photographier”

François et Aurélien restèrent comme 2 cerbères à l’entrée pendant que les 3 autres s’affairaient à tout regarder et enregistrer. L’excitation était à son maximum, quelle découverte quand même !

La pièce était étonnamment propre, les objets  étincelants, comme si tout ça était entretenu. Ils sentaient un air chaud qui signifiait  un genre de ventilation depuis la surface. Après 1 heure d'inspection, Arnold s’exclama “je crois que j’ai compris, nous sommes dans un monastère, c’est une salle d’école pour les prêtres, afin de leur apprendre l’Histoire, les rites, les objets sacrés”

Wiki acquiesça, “Oui je te rejoins j’allais dire une salle de classe, elle servait aux jeunes religieux et peut-être aussi aux nobliaux que l’empire élevait au rang d’inca, les petits seigneurs vassalisés, ainsi récompensés pour leurs mérites, en devenant eux aussi des nobles.”

 “Bien, c’est très bien, je vous félicite, vous me confirmez votre grand savoir, je suis comblée et suis à vos côtés pour votre exploration. C’est moi qui vous ai ouvert les portes et j’attendais de voir votre comportement, je ne suis pas déçue par ce 3e test”.

Ils reconnurent tous la voix d’Abi, cette fois si douce, heureuse et presque reconnaissante.

Ils se regardèrent sans vraiment être surpris mais réalisèrent ce qu’étaient ces ossements, ils n’avaient pas droit à l’erreur ! Chaque geste devait être respectueux, mais ça n’était pas un problème pour ces érudits, qui vivaient les plus beaux instants de leur passion commune.


Porte noire

Ils se sentirent protégés par ce message de Abi et explorèrent méticuleusement la pièce qui sans surprise ne contenait rien qui ressemble à un sceptre de divinité. Après deux heures ils décidèrent de continuer l’exploration et rejoignirent la porte suivante. Elle était aussi très belle, mais sans référence religieuse claire, très sobre et faite d’un bois très sombre ce qui la rendait un peu inquiétante. Le scénario se répéta, la porte s’ouvrit seule, mais cette fois pas de forte luminosité, juste la faible lueur rougeâtre de quelques torches. Ils n’avaient pas fait deux pas dans la pièce qu’ils sentirent un courant d’air glacé qui se faufila entre eux et une voix horrible leur hurla:

“premier avertissement !”

Ils furent pris de violents vertiges, maux de tête et  s’évanouirent les uns après les autres. Aurélien et François qui étaient à l’extérieur furent moins affectés et se réveillèrent les premiers. Ils se précipitèrent à l’intérieur au chevet de leurs amis.

Aurélien soutenait Véronica évidemment, François aidait Béatrice à se lever, Arnold se réveillait péniblement  et rejoignit Béa lui aussi, en repoussant doucement François, un peu jaloux le Arnold  !

“J’ai mal partout, mais surtout à ma jambe droite, Aïe, Aïe, Aïe !” cria Véronica en essayant de se relever, elle retomba assise, cisaillée par la douleur. A peine sur pied, Béatrice vint la voir,  son diagnostic était sans appel: “double fracture de la cheville, ne bouge pas ma chérie”. Elle sortit un genre de chaussure montante gonflable qu’elle lui posa, et lui injecta un antalgique. Elle avait une sorte de cannes télescopiques qu’elle déplia "Voilà, avec ça tu pourras clopiner, mais je crois que le mieux c’est que tu restes au calme avec Aurélien à tes côtés.”

Arnold  “Mais que s’est il passé ? on est courbaturé comme après un déménagement, on s’est évanoui et Véro a une fracture ! la vache ! Je dirai qu’on a trouvé le fameux démon et qu’en le surprenant il nous a attaqué avec un puissant sortilège“

François “ça se complique sérieusement !  une blessée grave et un démon invisible, là c’est pas du tout dans mes cordes, vos connaissances incas parlent de ce genre de choses ?”

Soulagée par les soins de son amie, Veronica-Wiki reprit ses esprits et comme d’habitude justifia son surnom “Je suis sûre d’avoir lu ça qq part, comme je suis impotente, je vais me plonger dans mes dossiers,  chercher une explication et peut-être une solution”

Béa optimiste “Entre Abi qui nous menace de mort et là un redoutable démon insaisissable, on est, comment dire, entre le marteau et l’enclume. Prenons le temps de la réflexion, ça serait sympa que Abi nous éclaire un peu sur cet ennemi, non ? Allo Lunabigaël ??”

Ils observèrent le silence et tendirent l’oreille, … après une interminable minute:

“Je suis à vos côtés et vous n’avez pas eu de chance, vous avez rencontré Supay, le démon de la mort, sans y être préparés. Vous trouverez peut-être dans la 3e salle, en face, la solution pour le vaincre. Dans la 4e salle,  vous ne risquerez rien du tout, bien au contraire, commencez par celle-là d'ailleurs, vous en avez grandement besoin."

Arnold  sur un ton agacé  “Bon ça suffit un peu les tests, Noble Abi, on aurait aimé être prévenus, car si nous sommes tués, qui récupérera votre sceptre ?”  Elle répondit par un silence.

Aurélien aida Véro à se lever “Viens essaie de sortir dans le hall, ne reste pas dans cette salle malsaine, et suivons les consignes d’Abi, allons dans les 2 autres salles”

En effet, en s’éclairant ils comprirent que cette salle devait être un genre de refuge ou de prison pour quelques entités maléfiques, de nombreux ossements jonchaient le sol, pas de trésors ici. Il y avait des chaînes, et des instruments d’allure satanique, surement pour des rites morbides ou des tortures. Pas d’or sur les murs, mais de nombreuses sculptures hideuses, monstrueuses et mêmes obscènes. Elle était glaciale, poussiéreuse, oppressante, aussi ils s’empressèrent de faire quelques photos et de déguerpir, … la porte se referma bruyamment derrière eux.

Ils pensèrent que décidément toutes les religions se ressemblaient étrangement: Un ou des Dieux, leur antithèse diabolique, le bien et le mal, des objets de culte, des prêtres et leurs  brebis, des temples, des lois, des punitions, des saints et des damnés, etc… Et tout cela se reproduisait dans tous les continents,  à toutes les époques, sur un mode tellement comparable,... Dieu a créé l’Homme, mais lequel ? Par contre l’Homme déploya des trésors d’imagination pour créer des Religions et tout le cortège qui va avec. Quand on est archéologue c’était tellement une évidence ! Dix fois, vingt fois, cent fois confirmée, depuis la nuit des temps, et  par tant de civilisations sans contact entre elles.

Par contre, là, ils croyaient à la magie pour la vivre douloureusement dans leur chair, ils ne savaient plus quoi penser de tout ça.

Toutes leurs certitudes de scientifiques venaient de voler en éclats...


A suivre

Porte Bleue

Ils suivirent les recommandations d’Abi et revinrent sur leurs pas pour se poster devant une superbe porte d’un très apaisant bleu azur pastel, sur laquelle étaient dessinés des nuages. Cette évocation céleste  était rassurante,  et dégageait une certaine sérénité, une douceur. Y avait-il un lien avec son contenu ? Ils l'espéraient, et Abi l’avait promis, mais vraiment ils ne se fieraient plus à rien désormais, la prudence était encore montée d’un cran.

Véro, assise par terre, adossée à la porte d’or, hurla:

“J’ai trouvé, je l’ai !”

Depuis leur attaque et sa blessure, elle avait fouiné dans sa bibliothèque portable et trouvé plein d’infos sur les démons dont ce Supay:

“A priori ce que les démons incas redoutent le plus, c’est la lumière divine du soleil, donc si on pouvait la canaliser d’une façon ou d’une autre, ça serait peut-être une arme, au moins défensive.”  

Bien joué Véro ! L’intelligence, le savoir, connaitre l’ennemi, … elle avait lu “l’art de la guerre” évidemment.

Aurélien différa l’ouverture de la porte bleue:

“Super ma wikinette, t’es géniale, on pourrait ouvrir la porte d’or et utiliser certains objets en or comme des miroirs, j’ai vu une paire de boucliers qui seraient parfaits. Pas un vampire n’aimerait ça et ce démon non plus.”

Béatrice: “Bonne idée, à condition que cette porte s’ouvre,  comme elle est en face de la porte bleue, nous baignerons dans la lumière sacrée et protectrice de notre Inti .”

Arnold sourit:
“Notre Inti ? ça y est, tu es convertie ? j’avoue que depuis deux jours il y a de quoi avoir la foi, on ne lit pas des bouquins sur les incas, on vit leur Histoire. Et qui sait, la réussite de cette mission est peut-être subordonnée à notre croyance et dévotion nouvelle.”

François  retrouva le sourire: “Ha enfin une stratégie, connaitre son ennemi, c’est la règle numéro 1”

Aurélien fit demi-tour, tendit les bras vers la porte dorée:
“Sésame ouvre toi ! ha ha, j’avais trop envie de la faire”.

A sa grande surprise, ça fonctionna, car évidemment Abi suivait leur progression et avait clairement le contrôle magique de toutes ces portes. Effectivement la lumière inonda le couloir et la porte bleue. Béatrice et Véro prirent les 2 boucliers, en les orientant correctement, cette 3e salle allait être sacrément bien illuminée. C’est donc Arnold  qui ouvrit la voie.

Aussitôt, un envoûtant mélange de senteurs les assaillit, cette fois seuls les 3 hommes entrèrent et découvrirent une jeune femme affairée à préparer des potions. Une grande table occupait la majorité de l’espace. Dessus, c’était un fouillis de plantes, bols, coupes et récipients aux formes diverses, en bois, en fer ou en or. Le tour de la pièce était constitué d’étagères avec là aussi des flacons, fioles, plantes… C’était à l’évidence la pharmacie locale, ça tombait plutôt bien !

Sans interrompre sa tâche et sans se retourner, l’apothicaire ou la sorcière leur dit: “Entrez, bienvenue, ma maîtresse m’a prévenu de votre visite, depuis je prépare ce qu’il vous faut pour vos maux et blessures. Je suis Ludivina, fille de Tutujanawin  et je vais vous guérir”

“Enfin une bonne surprise” pensèrent ils !  ils abaissèrent leurs boucliers et s’approchèrent de Ludivina "Voilà un élixir qui va neutraliser le poison que le démon vous a fait respirer et surtout cet onguent enchanté par Lunabigaël pour la cheville de votre amie”

C’était trop beau pour être vrai, mais ils avaient confiance et de toute façon la curiosité du savant l’emporta sur la prudence. François les freina quand même “Attendez, laissez moi boire seul en premier et observez mes réactions” il vida la fiole tendue par une Ludivine au sourire amusé. Cette potion avait un  goût proprement infâme, aussi il fit une telle grimace, que le groupe éclata de rire, ils n’avaient pas volé ce petit moment de rigolade. Courageusement il avala les 3 gorgées, puis sentit dans son corps un apaisement spectaculaire et même un regain de force physique. “Parbleu, mais ça me fait un bien fou, ça me rappelle un cocktail tropical qu’un marabout sénégalais m’avait donné contre la malaria. Attendez encore quelques instants mais c’est clairement efficace.”

Aurélien bu sans délai et prit l’onguent pour soigner sa wikinette, il dégonfla lentement l’attelle et étala délicatement le produit magique. Véronica écarquilla les yeux car la douleur avait disparu en trois  secondes. Elle se redressa prudemment et sceptique appuya son pied sans ressentir la moindre douleur, elle était émerveillée:
“Mon Dieu, je n’ai plus mal, c’est incroyable ! 1000 merci Noble Ludivina et gloire à notre Inti et à sa puissance salvatrice” elle fit mine de s’approcher de sa bienfaitrice…

“On ne touche pas les divinités, on s’agenouille pour les remercier !”

Elle s'exécuta avec un immense plaisir et avec dévotion, elle avait la Foi, comment ne pas croire à cet instant ?
“Merci Nobles Lunabigaëlle et Ludivina, en votre pouvoir je crois désormais !”

Aurélien la serra dans ses bras, ses yeux étaient humides, il avait la désagréable impression de ne pas avoir assuré son rôle protecteur, il s’en voulait, aussi était il soulagé et reconnaissant.

“Oui, merci Saintes Lunabigaël et Ludivine, vous faites des miracles, des vrais. Moi aussi je rejoins  vos croyances et je suis bouleversé par vos pouvoirs”

La bonne humeur, la gratitude, la confiance étaient revenues dans le groupe et on donnerait bien quelques dizaines de points d’expériences aux deux déesses, mais elles sont hors concours de ce jeu de rôles tellement extraordinaire. Ils allaient pouvoir finir d’explorer ce niveau, puis le suivant, et trouver comment chasser ce démon de ce lieu sacré.

“Tenez une fiole anti-poison et énergie pour chacun et un onguent de guérison, laissez-moi travailler maintenant et ne revenez qu’avec le sceptre sacré du pouvoir de Abi.”

Ce fut par ces mots que Ludivine les avait mis dehors de son laboratoire, et par ces soins qu’elle avait achevé leur conversion à la religion Inca. Comment pouvait il en être autrement ?



A suivre

Porte du Puma

La 4e porte du niveau était rouge orangée et ornée de motifs qui étaient tout simplement des flammes, et au milieu l’animal sacré, le Puma des Andes. Ils l’appelèrent porte du Puma ou porte rouge. Ils étaient à nouveau au complet et quatre d’entre eux canalisaient la lumière depuis la salle du soleil, c’était pour le moment leur seule arme anti-démon. François s'approcha de la porte qui elle aussi s’ouvrit seule, un horrible cri aigu de douleur retentit et ils aperçurent une ombre qui s’enfuit et surtout sentirent un courant d’air glacial désormais familier. Arnold orienta si parfaitement son bouclier vers le démon qu’il hurla à nouveau ! Quel coup magistral !

François s’exclama “Yesss, ça a marché, ce démon sait à qui il a à faire désormais !”

Ils laissèrent deux éclaireurs, au sens propre pour le coup, pour dissuader le démon de revenir. Béa, Véro et Arnold entrèrent avec une grande assurance, encore une fois la surprise fut au rendez-vous. C’était tout simplement une bibliothèque remplie d’épais grimoires et de centaines de rouleaux de parchemins, eux qui étaient persuadés que ce continent ne connaissait ni le papier, ni l’écrit ! Un dogme venait de partir en fumée, mais après tout, c’est ça la science !

Au fond de la pièce gisait semi-consciente une femme à l’accoutrement clairement mystique, avec comme coiffe, une tête de puma. Elle était enchainée et avait été sûrement torturée par ce démon. Ils s’empressèrent de la libérer et n’hésitèrent pas à lui offrir une potion. Après l’avoir bue, elle reprit rapidement ses esprits, Béa “il faut qu’on trouve la formule de ce médicament parbleu ! comment allez vous ?” .

“Qu’Inti vous gratifie de sa bonté jusqu’à la fin des temps, merci de m’avoir libéré de 600 ans de tortures, et dans cette potion, je reconnais le talent de Ludivina la guérisseuse, n’est-ce pas ?”

Véro la soutenait et l’aida à s’asseoir “Reposez vous, oui nous avons rencontré Ludivina, c’est notre bienfaitrice, nous sommes des explorateurs en mission sacrée pour Lunabigaël, et vous ?”

“Mais quelle bonne nouvelle, Abi repart enfin en campagne ! Je suis Ynthica , Maîtresse magicienne de l’école de sorcellerie et gardienne de ce trésor, tous ces écrits sont notre savoir”

Arnold ne pouvait laisser ce mystère en suspens “Mais comment se fait il que vous ayez tous ces écrits, les conquistadors ont affirmé dans les récits de leur invasion que vous ne connaissiez pas l’écrit, ni le papier, un savoir seulement oral”

“Oui c’est tout à fait vrai,... jusqu’à eux ! Nous avons résisté plus de 40 années solaires après la chute de Cuzco et les envahisseurs ont apporté la poudre, mais aussi l’encre et le papier, nos savants et les anciens ont redoublé d’efforts pour créer cette pièce secrète, en y écrivant tout le savoir oral, car il savait qu’un jour ça serait important. Il y a tout, l'architecture, les routes, l’agriculture, les armes, l’art de la guerre, la magie, les rites religieux, toute notre Histoire, etc. Cette pièce c'est Nous”

Véro, alias Wiki, était aux anges “C’est extraordinaire, pourrons nous en faire des copies ?”

“Si vous réussissez et qu’Abi est d’accord, vous aurez accès à certains documents, mais surement pas tous, ainsi la magie vous sera totalement interdite, on ne s’improvise pas sorcier !”

François toujours les pieds sur terre “Oui justement , Abi nous a dit que dans cette pièce on trouverait comment vaincre le démoniaque Supay et ses sbires, vous avez une idée ?”

“Ma très chère Ynthica, c’est moi Lunabigaël, je suis tellement heureuse de te voir libre. Tu peux aider ces courageux jeunes gens, ils sont purs et passionnés par notre civilisation, de leur succès dépendra le nôtre. J'ai besoin du Sceptre de pouvoir volé par Supay."

“Très bien votre seigneurie. Nobles inconnus, voilà le "bâton de feu du puma ", il ne sert qu’une fois, il projette un fulgurant rayonnement solaire pendant quelques secondes, aucun démon ne peut y survivre, il est sage de le confier à quelqu’un d’un très grand sang froid et habitué aux armes, … sans hésiter elle le donna à François…”

Il va de soi qu’ils auraient fait le même choix, son jugement était remarquable.

Aurélien “Noble Ynthica, si j'ai bien compris, ces ouvrages sont écrits en latin ou en espagnol ?”

“Oui ce sont des moines rebelles qui formèrent nos prêtres, c’est essentiellement du latin”

Une déduction géniale, car le quéchua, ça n’était pas leur tasse de thé. L’harmonie était totale désormais entre nos cinq héros et les divinités, de plus le niveau était désormais complètement exploré, le niveau -2 était bouclé. Ils remontèrent à leur base pour bivouaquer et débriefer toutes ces aventures, avant d’aller traquer les démons du niveau -3

A suivre

Veillée d’armes

Ce bivouac se déroula dans une très grande sérénité, car leur progression était remarquable:

- Ils étaient soutenus par 3 puissantes divinités
- Ils avaient des potions de soins magiques
- Des armes anti-démons
- Une grande expérience désormais.

Aussi ils s’endormirent sans peine, sauf François qui semblait ne pas en avoir besoin, quel sacré personnage quand même  !  Ce matin il les laissa dormir, car la journée s’annonçait décisive et ces rookies avaient largement eu leur baptême du feu. En général c’était le moment où il programmait une journée de repos, de détente, mais là il n’avait pas le contrôle, c’était Lunabigaël aux commandes. Alors qu’au moins ils dorment le plus longtemps possible pour récupérer de leurs terribles épreuves.

Aurélien sortit de son duvet et vint se réchauffer près du feu, sa montre indiquait midi passé

“Salut Rambo, j’ai dormi comme un bébé, c’est quoi le programme today ? On doit en finir non ?”

“Oui, le repos est la base de la réussite de cette exploration finale, mais là  je vais devoir les réveiller, car si on a des puits de lumière au niveau -3, on doit y aller pendant la journée. On va prendre un bon petit-déjeuner et je vais vous expliquer l’approche commando, car l’autre saleté est sur ses gardes depuis sa défaite d’hier et un piège n’est pas exclu.”

L’odeur du café,  le crépitement des oeufs et du bacon dans la poêle finirent  de les réveiller

Beatrice “Hum comme ça sent bon, François tu es l’homme parfait, j’ai une de ces fringales !”

Véronica “Désolé mais moi je reste fidèle aux céréales, et tartines de confitures”

Aurélien avait déjà englouti 2 œufs puis servit Arnold et Béatrice, … François lui, faisait des pompes,...

Une fois bien attentifs, François leur expliqua le système de l’éclaireur, de la couverture des arrières, de l’espacement idéal, de l’importance du silence absolu, etc. Il termina le briefing par une sacrée surprise, il sortit de son sac des lunettes de vision nocturne, car pas question de s'éclairer:

“On va les mettre dès maintenant que vous preniez l’habitude, et en traversant les dortoirs ça vous fera un bon rodage, mais attention on reprend l’exploration complète des dortoirs, car il peut être caché n’importe où, sauf dans les niveaux éclairés comme la biosphère.”

S’ils s’en sortent vivants, ils avaient prévu de l’inviter dans le meilleur restaurant du Pérou !

Véronica lança un cinglant “Alea jacta est, de toute façon on ne peut plus reculer”
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