Aix-en-Provence
Cité classique des XVIIe et XVIIIe siècle avec ses avenues majestueuses, ses hôtels élégants aux façades mordorées, ses fontaines gracieuses, ses petites places discrètes et pleines de fraicheur, la ville du calisson se veut aussi 21e arrondissement de Paris et métropole étudiante aux brasseries et aux terrasses perpétuellement animées : une ville d’aujourd’hui, mais qui a su préserver un héritage culturel raffiné.
Le nom
Aquae Sextiae, ainsi se nommait le camp romain honorant à la fois les eaux thermales et le consul Sextius, qui réduisit les Salyens en esclavage. Les gens du cru abrégèrent bientôt en Aquis, qui devient en provençal Aïs.
Les Gens
134.222 Aixois. Dans une citée vouée à la musique, on ne pouvait faire moins que de distinguer un musicien : Darius Milhoud (1892-1974), membre du groupe des Six et compositeur du fameux Bœuf sur le toit. Certes, il est né à Marseille en 1892, mais il descendait d’une famille aixoise.
Portrait
Mais qui était au juste ce roi René (1409-1480) ? Avant tout, un lettré : polyglotte, mélomane à ses heures, peintre d’enluminures à l’occasion, volontiers rimailleur, féru de mathématiques et de théologie, expert en astrologie, un homme on ne peut plus cultivé, et certainement pas austère, vu les fêtes somptueuses qu’il aimait organiser et le luxe dans lequel il vivait.
Comprendre
Les Salyens
Peuple celto-ligure, les Salyens occupaient au IIIe siècle avant J.-C. la basse Provence occidentale et avaient fixé leur capitale à l’oppidum d’Entremont. Si les fouilles révèlent une civilisation urbaine évoluée, cette urbanité n’allait pas sans une certaine rudesse : témoin, leur usage, rapporté par le naturalisme romain Strabon, de couper la tête de leurs ennemis et de la suspendre à l’encolure de leurs chevaux pour la rapporter chez eux et la clouer dans leur entrée en guise de trophée. Les Massaliotes, que ces rudes voisins gênaient dans leurs opérations commerciales, firent appel aux Romains en 124 avant J.-C. Sous la direction du consul Sextius, ceux-ci réduisirent les Salyens en esclavage, détruisirent la ville et fondèrent un camp non loin des sources thermales, Aquae Sextiae : Aix allait pouvoir naître.
La capitale du roi René
Certes, Aix n’a pas attendu le « bon roi René » pour exister. Mais c’est lui que la petite cité romaine fondée sur les décombres de l’oppidum d’Entremont, et déjà siège d’une université depuis 1409, allait connaître sa période la plus brillante. René est également duc d’Anjou, roi très théorique de Naples et de Sicile et comte de Provence de surcroît, ce qui l’oblige à jouer un rôle politique pour lequel il est peu fait. S’il encourage le commerce, se soucie de l’état sanitaire de la population, stimule l’agriculture, c’est au prix d’une fiscalité pesante et d’une dépréciation de sa monnaie, qui inspire assez peu confiance… C’est que la splendeur a un prix et le mécénat aussi : le roi s’est entouré d’artistes de valeur, des flamandes comme Barthélémy d’Eyck (auteur du Tryptique de l’Annonciation), des bourguignons ou des locaux comme l’Uzétien Nicolas Froment (à qui l’on doit le fameux Tryptique du Buisson ardent). Veuf d’Isabelle de Lorraine, le roi René épouse, à 44 ans, une jeune femme de 21 ans, Jeanne de Laval, la « reine Jeanne », qui devient bientôt aussi populaire en Provence que son époux. Les enfants et petits-enfants du « bon roi » étant morts avant lui, son neveu Louis XI met l’Anjou dans son escarcelle… René désigne alors comme héritier Charles du Maine. Celui-ci s’éteint sans descendance en 1481 : la Provence à son tour tombe dans le domaine royal, sans coup férir.
Les nouveaux visages d’Aix
Une fois la ville réunie à la France, le roi se fait représenter à Aix par un gouverneur ; Aix se trouve alors désignée comme siège du Parlement, institué en 1501. Elle va connaître une seconde période de splendeur au XVIIe siècle avec l’émergence d’une catégorie sociale, les « gens de robe » ou « robins ». Ces magistrats et juristes fortunés se font construire de splendides hôtels particuliers, les remparts sont rasés et remplacés par un « cours à carrosses » (l’actuel cours Mirabeau) au-delà duquel surgissent des quartiers nouveaux, comme le quartier Mazarin. Toujours prospère, la ville continue de s’embellir au XVIIIe siècle avec de larges avenues, des places, des fontaines, de nouveaux bâtiments publics comme le palais de justice qui, signe des temps, prend la place du vieux palais comtal… Après la révolution, Aix va souffrir du développement de Marseille. Il lui faut attendre les années 1970 pour connaître un renouveau s’appuyant sur deux axes : industriel avec les entreprises du secteur high-tech (zone d’activité des Milles et technopole du plateau d’Arbois) ; culturel avec le rayonnement de son université et de son Festival d’art lyrique. Cet essor économique et démographique s’accompagne d’un grand projet d’urbanisme, dans le prolongement des cours Sextius et Mirabeau (la Cité du Livre en est la première réalisation), où prend naissance l’Aix du XXe siècle.
Découvrir
Atelier Paul Cézanne
Cézanne avait fait construire en 1897 ce pavillon d’architecture traditionnelle, entouré d’un jardin (où se déroulent les Nuits des Toiles), dont les frondaisons colorées montent à l’assaut du 1er étage. C’est là, dans l’atelier des « Lauves » qu’il créa notamment Les Grandes Baigneuses et vécut jusqu’à sa mort, en 1906. Quelques souvenirs du peintre sont exposés dans l’atelier conservé en l’état.
La ville de Cézanne
Fils d’un chapelier, Paul Cézanne est né à Aix en 1839. Après des études au collège de Bourbon où il se lie d’amitié avec Emile Zola, il fait son droit tout en commençant à peindre dans la campagne du Jas de Bouffan, demeure entourée d’un parc, aux portes d’Aix, achetée en 1859 par son père. A Paris, il fréquente les impressionnistes, mais ne rencontre aucun succès. De retour à Aix, malgré les louanges de Monet, Manet, Sisley et surtout Pissarro, il s’affranchit assez vite de la « technique » mise au point par ses amis, pour travailler sur les couleurs (il ose des rapports jamais employés avant lui) et les volumes. Après un séjour à l’Estaque, voir chaine de l’Estaque), qui sera pour lui une révélation, il connaîtra la (très tardive) consécration parisienne au Salon d’automne de 1904.
Le Palais de Malte pour Cézanne
Fermé pendant cinq ans pour travaux, le musée Granet a rouvert ses portes en 2006 à l’occasion de la commémoration du centenaire de la mort de Cézanne. Entièrement transformée, sa surface d’exposition est passée de 900 m² à 4.500 m². Mais l’événement majeur reste son inauguration avec la première grande exposition consacrée à l’œuvre du peintre en Provence : « Cézanne en Provence ».
Les calissons de Provence
Selon la légende, les calissons auraient été confectionnés pour dérider la reine Jeanne le jour de son mariage avec le roi René : la jeune épousée ne manifestait guère d’enthousiasme jusqu’à ce qu’on lui présente ces friandises faites d’un tiers d’amandes, d’un tiers de sucre et d’un tiers de melon confit.
Se promener
Le vieil Aix
Cours Mirabeau
L’art de vivre aixois… On le goûte sous les superbes platanes du cours, vaste tunnel de verdure ponctué de fontaines, d’hôtels aux balcons sculptés par Pierre Puget (XVIIe siècle) ou ses disciples, mais aussi aux terrasses des cafés.
Hôtel d’Isoard de Vauvenargues
Au n° 10. Edifié vers 1710. Avec son beau balcon en fer forgé et linteau à cannelures, il fut le théâtre d’un sanglant fait divers lorsque le marquis d’Entrecasteaux, président du Parlement, y assassina sa femme, Angélique de Castellane.
Hôtel de Forbin
Au n° 20. Edifié en 1656. De belles ferronneries ornent son balcon.
Fontaine des Neuf Canons
Au centre du cours. Elle date de 1691.
Fontaine d’eau thermale
La fontaine moussue (alimentée en eau chaude) que l’on rencontre à hauteur de la rue Clemenceau date de 1734.
Hôtel Maurel de Pontevès
Au n° 38. Une annexe de la cour d’appel est venue se loger là où fut reçue en 1660 la Grande Mademoiselle, Anne-Marie de Montpensier.
Fontaine du roi René
Œuvre de David d’Angers (XIXe siècle) : elle se dresse à l’extrémité du cours. Le roi y est représenté tenant à la main une grappe de raisin muscat, variété qu’il avait introduite en Provence.
Hôtel du Poët
Au bout du cours, sa façade à trois étages décorée de mascarons (1730) ferme la perspective.
Hôtel de Panisse-Cassis
Au n° 16. Elevé en 1739. Une ruelle à sa droite conduit devant l’imposante façade de l’ancienne chapelle des Jésuites puis dans la rue Portalis.
Eglise Ste-Marie-Madeleine
L’édifice (XVIIe siècle) abrite quelques œuvres intéressantes, en particulier une belle Vierge en marbre de Chastel (XVIIIe siècle) et, surtout, le volet central du Triptyque de l’Annonciation, datant de 1445, attribué à Barthélemy d’Eyck.
Fontaine des Prêcheurs
Sur la place du même nom (Sade y fut pendu en effigie), elle est également l’œuvre de Chastel.
Hôtel Boyer d’Eguilles
Au n° 6. Le Muséum d’histoire naturelle y est installé. A découvrir, la façade de l’hôtel édifié en 1675, très probablement par Pierre Puget.
Place d’Albertas
Ouverte en 1745, il en émane un charme prenant, tant elle paraît hors d’atteinte des siècles. On y donne des concerts chaque été.
Place de l’Hôtel-de-Ville
Elle prend tout son éclat le samedi matin lorsque s’y tient le marché aux fleurs. L’hôtel de ville, édifié de 1655 à 1670 par un architecte parisien, Pierre Pavillon, se signale par un balcon orné d’une belle ferronnerie et une magnifique grille d’entrée. Cour pavée de galets, entourée de bâtiments à pilastres. Au sud de la place, sur la façade de l’ancienne halle aux grains, un fronton sculpté (œuvre de Chastel) représente le Rhône et la Durance.
Cloître Saint-Sauveur
Une merveille d’art roman dont on peut admirer la légèreté et l’élégance, due en particulier aux colonnettes jumelées et aux chapiteaux à feuillages ou historiés.
Cathédrale St-Sauveur
Par le cloître, on entre dans la nef romane de la cathédrale St-Sauveur où voisinent tous les styles, du Ve au XVIIe siècle. A l’intérieur, on peut admirer le merveilleux Triptyque du Buisson ardent (en restauration), désormais attribué à Nicolas Froment après l’avoir longtemps été au roi René lui-même, et le baptistère d’époque mérovingienne. A noter également une peinture sur bois attribuée à l’atelier de Nicolas Froment, et les vantaux en noyer sculptés de quatre prophètes et de douze sibylles païennes (masqués par de fausses portes) dus à Jean Guiramand. En sortant, un coup d’œil sur la façade permet de voir un petit portail de style roman provençal (à droite), une partie gothique flamboyante (au centre) et un clocher gothique (à gauche).
Quartier Mazarin
Hôtel de Marignane
Fin XVIIe siècle. Il fut le théâtre des douteux exploits du jeune Mirabeau : aussi désargenté que débauché, il séduit une riche héritière, Mlle de Marignane. Le mariage devient inévitable mais le beau-père coupe les vivres au jeune ménage. Mirabeau accumule les dettes chez les commerçants de la ville jusqu’à ce que ceux-ci le fassent internet au château d’If. Libéré, il séduit une femme mariée et s’enfuit avec elle. Convoqué à Aix en 1783 suite à la demande en séparation formulée par sa femme, il présente lui-même sa défense et sa prodigieuse éloquence lui fait gagner le procès en première instance !
Fontaine des Quatre-Dauphins
Au centre d’une petite place carrée, cette œuvre charmante de J.-C. Ribaut (1667) est une des plus jolies fontaines d’Aix.
Eglise St-Jean-de-Malte
L’église St-Jean-de-Malte, élevée à la fin du XIIIe siècle, est le premier édifice gothique aixois. Si la façade offre un aspect sévère, à l’intérieur, la nef, toute de simplicité et d’élégance, ne manque pas de charme.
Hautes saisons
La tour de l’Horloge, ancien beffroi de la ville (XIXe siècle), supporte à son sommet une cloche dans sa cage de ferronnerie, où un personnage, chaque fois différent, marque le passage des saisons.
Visiter
Musée Granet
Superbe collection de peintures provenant de divers legs, dont celui du peintre aixois François-Marius Granet (1775-1849), et section archéologique présentant les vestiges de l’époque romaine (voir Oppidum d’Entremont). On s’attardera devant les primitifs avignonnais (volets du Tryptique de la reine Sanche, de Matteo Giovanetti, le peintre du palais des Papes), italiens et flamands avant d’aborder les œuvres des grandes écoles européennes du XVIe au XIXe siècle. Pour l’école française, Philippe de Champaigne, Le Nain, Rigaud, Largillière, Greuze, Géricault, ainsi que des tableaux de l’école provençale avec en particulier Loubon, Achille Emperaire et Cézanne. Parmi les autres écoles, œuvres de Guerchain, Rubens et de l’école de Rembrandt.
Musée des Tapisseries
Bel ensemble de 19 tapisseries exécutées à Beauvais aux XVIIe et XVIIIe siècle, et les 9 célèbres panneaux de la vie de Don Quichotte d’après des cartons de Natoire.
Fondation Vasarely
Située à 2,5 km à l’ouest, sur la colline du Jas de Bouffan, là où se trouvait la propriété de Cézanne que Vasarely admirait. Elle propose dans une architecture résolument moderne (16 structures hexagonales dont les sobres façades sont décorées de cercles blancs et noirs alternés) une suit de 42 « intégrations monumentales » de Victor Vasarely (1906-1997), illustrant ses recherches sur les déviations linéaires (à partir de 1930) puis sur la lumière et l’illusion de mouvement (dès 1955).
Muséum d’histoire naturelle
Belles portes du XVIIe siècle, peintures et sculptures offrent un cadre remarquable et valent à elles seules la visite de ces collections de paléontologie générale et provençale. Les œufs fossiles de dinosaures, retrouvés sur les flans de la Sainte-Victoire, sont présentés ici.
Musée du Vieil Aix
Les férus d’histoire locale apprécieront les marionnettes évoquant les « crèches parlantes » et les processions de la Fête-Dieu, la collection de faïences de Moustiers et de santons.
Musée bibliographique et archéologique Paul-Arbaud
Installé dans un hôtel de la fin du XVIIIe siècle, il présente une collection de faïences régionales ainsi que des livres relatifs à la Provence.
Pavillon Vendôme
Maison de campagne construite en 1665 pour le cardinal de Vendôme par Pierre Pavillon et A. Matisse. Ce bel édifice abrite une collection de meubles et d’objets d’art provençaux. L’ensemble donne une idée de ce qu’était l’intérieur d’un hôtel aixois au XVIIIe siècle. Le jardin à la française convie à une agréable promenade.
Circuit
Vallée de l’Arc
Site-mémorial des Milles
Cette ancienne tuilerie, grande bâtisse de brique rouge, a été le seul camp français à la fois d’internement, de transit et de déportation pendant la Seconde Guerre mondiale. Les artistes et intellectuels allemands réfugiés à Sanary-sur-Mer qui n’eurent pas la chance de s’enfuir au moment de l’armistice passèrent par là. Peintures murales et souvenirs des internés entretiennent la mémoire.
Jardin d’Albertas
Ce jardin de 8 ha, aménagé en 1751 par le marquis d’Albertas, marie harmonieusement les traditions italienne (terrasses, statues dans le goût antique, grotte artificielle), française (parterres, canal et perspective) et provençale (rangée de platanes).
Cabriès
Cabriès est un joli village en hauteur. On accède à son château par la porte de l’horloge et un lacis de ruelles tracées à l’intérieur de ce qui était autrefois l’enceinte du village. Le château abrite le musée Edgar-Mélik (1904-1976) consacré à ce peintre méconnu qui fréquenta les artistes de Montparnasse avant de venir s’installer ici dans les années 1940. Ses œuvres, parfois peintes à même les murs, dans des tons chaleureux de jaune, orange et rouge, se rapprochent de l’expressionisme. Au sous-sol, quelques pièces archéologiques.
Aqueduc de Roquefavour
Construit de 1842 à 1847 par l’ingénieur de Montricher pour permettre au canal de Marseille de franchir la vallée de l’Arc, cet aqueduc, long de 375 m et haut de 83 m (contre 275 m et 49 m pour le pont du Gard) s’étage sur trois niveaux : le dernier, qui porte la canalisation conduisant à Marseille les eaux de la Durance, est soutenu par 53 arceaux.
Ventabren
Petit village aux ruelles pittoresques dominé par les ruines du château de la reine Jeanne. Du pied des ruines, vue sur l’étang de Berre, Martigues et la trouée de Caronte, la chaîne de Vitrolles.
Eguilles
Dominant la vallée de l’Arc, le village, semé de vieux lavoirs, est situé sur la voie Aurélienne, devenue la D 17. Bel hôtel de ville, ancienne demeure des Boyers d’Eguilles. Depuis l’esplanade, vue sur la chaîne de l’Etoile et la plaine aixoise où se faufile la ligne du TGV Méditerranée.
Oppidum d’Entremont
Cette ville forte des Salyens était protégée par des escarpements naturels et, au nord, par un rempart aux fortes courtines renforcées de tours. Entre deux tours du rempart s’élevait un portique où, suppose-t-on, les Salyens exposaient les crânes de leurs ennemis. A l’intérieur, une première ville, la « ville haute » se trouvait elle-même isolée par une fortification. La « ville basse » semble avoir été un quartier artisanal, comme en témoignent des restes de fours et de pressoirs à huile. Les fouilles ont permis de retrouver un abondant matériel attestant d’un niveau de développement assez élevé et des traces de sa destruction par les Romains, notamment des boulets de pierre. La statuaire d’Entremont est exposée au musée Granet.
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