Je vais vous parler de la guerre d’Espagne qui a déportée ma famille du côté de maman en France ! cette guerre a entraîné le départ de plusieurs vagues de réfugiés vers la France, de 1936 jusqu’en 1939 où la chute de Barcelone provoque, en quinze jours, un exode sans précédent. Près d’un demi million de personnes franchissent alors la frontière des Pyrénées, dans de terribles conditions. C’est la Retirada.
À partir de la fin du XIXe siècle, les conflits sociaux et politiques se succèdent en Espagne et la proclamation de la Seconde République, le 14 avril 1931, vient nourrir l’espoir d’une société meilleure. Le gouvernement entreprend une série de réformes novatrices, au caractère progressiste, venant rompre avec les régimes et gouvernements précédents, fortement soutenus par l'Église et d'obédience plutôt conservatrice. Les changements opérés face au modèle séculier sont immédiats et radicaux : séparation de l'Église et de l'État, mariage et divorce civil, réformes de l'armée, de l'enseignement, réforme agraire, mesures sociales et professionnelles, statut d'autonomie pour la région catalane et de façon notable, droit de vote pour les femmes et droit à l'avortement. Mais malgré des avancées, dans l’enseignement ou les droits des femmes notamment, la déception grandit et, petit à petit, les illusions s’évanouissent pour laisser place à l’expression du mécontentement populaire qui exacerbe les tensions sociopolitiques. Le 18 juillet 1936, le soulèvement militaire, préparé par les nationalistes, éclate, la guerre d’Espagne commence. Durant près de trois ans, le peuple espagnol se trouve divisé : d’un côté, les nationalistes, dirigés par le Général Francisco Franco et soutenus par l’Église et l’armée, de l’autre les Républicains qui comptent dans leurs rangs différentes tendances de gauche - marxistes, anarchistes, socialistes, communistes et républicains modérés. Souvent considérée comme un prélude à la Seconde Guerre mondiale, l’Espagne devient aussi le terrain de confrontations internationales. Dans le camp nationaliste, les troupes d’Hitler et de Mussolini s’entraînent et testent leur matériel. La République espagnole reçoit, de son côté, l’appui de milliers de volontaires étrangers.
Le début de l’exode
L’avancée des troupes franquistes oblige, dès 1936, de nombreux républicains à quitter provisoirement l’Espagne pour fuir les combats. Un exode intérieur jette également sur les routes des milliers d’Espagnols, qui trouvent progressivement refuge en Catalogne. Quand le 26 janvier 1939, Barcelone tombe aux mains du général Franco, la population catalane – et avec elle des milliers de républicains provenant de toute l’Espagne – se dirige vers la frontière française pour échapper à la répression et aux bombardements. Ces civils sont bientôt rejoints par une partie de l’armée républicaine en déroute. Cette retraite – la Retirada – entraîne dans l’exode des centaines de milliers de réfugiés. Le passage de la frontière se fait dans des conditions particulièrement pénibles : les populations sont affaiblies par trois ans de combats et de privations, les cols sont enneigés, l’aviation franquiste bombarde les réfugiés sur les routes catalanes. Civils et militaires sont le plus souvent partis précipitamment, avec peu d’affaires, et ils arrivent en France dans le dénuement le plus complet.
Bourg Madame : le pont frontière où passent les réfugiés, les gardes mobiles les aident à porter leurs bagages. 30/01/1939. « Collection F. Berlic ».
Partagé entre la crainte de voir des "hordes" de révolutionnaires "rouges" déferler sur le pays et le respect des valeurs républicaines qui accordent asile et hospitalité aux persécutés, le gouvernement français du radical Edouard Daladier décide finalement d’ouvrir la frontière le 28 janvier 1939, mais aux seuls réfugiés civils. Les hommes armés patientent quelques jours de plus sous les bombardements franquistes.
Le 5 février, la frontière est enfin ouverte aux soldats républicains. Du 28 janvier au 13 février, ce sont 475 000 personnes qui passent la frontière française, en différents points du territoire : Cerbère, Le Perthus, Prats de Mollo, Bourg-Madame, etc.
Un accueil mitigé
Ces réfugiés ne bénéficient pas d’un accueil optimal. En dépit du soutien de la gauche et des tenants d’une attitude humaniste, la France de 1939 est loin d’être pour les Espagnols la République sœur dont ils espéraient obtenir réconfort et soutien. Rongée par la crise économique, en proie aux sentiments xénophobes, repliée sur elle-même, la société française offre aux réfugiés un accueil plus que mitigé. Avant même la Retirada, plusieurs décrets-lois ont été édictés par le gouvernement Daladier, dont celui du 12 novembre 1938 qui prévoit l’internement administratif des étrangers "indésirables", c’est-à-dire susceptibles de troubler l’ordre public et la sécurité nationale. Les Espagnols sont les premiers à subir les conséquences de cette politique nouvelle en direction des populations allogènes.
L’exode des réfugiés espagnols. « 700 enfants, venant de Puigcerda, sont arrivés hier par le train en gare de la Tour de Carol. Les petits réfugiés attendent dans le hall de la gare d’être dirigés vers un centre d’hébergement. » France Presse n°13, 30/01/1939. « Collection F. Berlic ».
Le gouvernement français avait envisagé l’afflux de réfugiés à sa frontière mais jamais dans de telles proportions et il se retrouve débordé par la situation. Les autorités déploient les troupes militaires aux différents points de passage. Les Espagnols, comme les volontaires étrangers, sont désarmés, fouillés, identifiés puis envoyés dans des centres de recueil dispersés le long de la frontière pour y être vaccinés et ravitaillés.
Dans l’urgence et face à la pression des réfugiés qui se pressent à la frontière, certaines opérations d’identification et de vaccination ne peuvent être menées à bien. Les familles sont séparées. Les femmes, les enfants et les vieillards sont envoyés en train vers les départements de l’intérieur de la France. Plus de 70 départements français accueillent ainsi des groupes de réfugiés civils, durant plusieurs mois, dans des structures d’hébergement diverses, mises à disposition par les municipalités. Les conditions de vie dans ces centres d’hébergement sont variables et dépendent en partie de l’accueil que leur réserve l’équipe municipale en poste et de la mobilisation de la population locale.
Réfugiés espagnols pendant leur transfert au camp de Barcarès (Pyrénées-Orientales), mars 1939, Robert Capa Musée national de l'histoire et des cultures de l'immigration
Les hommes, eux, sont parqués dans des camps d’internement, montés à la hâte sur les plages du Roussillon et dans le sud-ouest de la France. Quelques groupes de femmes et d’enfants sont aussi du voyage, preuve de la désorganisation des autorités à la frontière. Les camps d’Argelès-sur-mer, du Barcarès et de Saint-Cyprien sont construits à même le sable, par les réfugiés, utilisés comme main d’œuvre par les autorités. Les camps du Vernet d’Ariège, de Septfonds, de Rieucros, de Gurs, de Bram et d’Agde viennent compléter ce dispositif d’internement. Ils sont pensés pour désengorger les camps du Roussillon où sont internés plusieurs dizaines de milliers d’hommes – 87 000 personnes pour le seul camp d’Argelès début mars 1939 (chiffre donné à la date du 6 mars 1939 - archives départementales des Pyrénées Orientales, 31W274).
Exode des miliciens espagnols : groupe de miliciens déserteurs, sous escorte de garde mobile, conduit de Bourg-Madame à La Tour de Carol où ils seront refoulés. 04/02/1939. « Collection F. Berlic ».
Les conditions de vie dans ces camps, que les autorités françaises nomment elles-mêmes, en 1939, "camps de concentration", sont extrêmement précaires (début février 1939, à l’occasion d’une conférence de presse à propos du camp d’Argelès, le ministre de l’Intérieur Albert Sarraut s’exprime en ces termes : "le camp d’Argelès sur Mer ne sera pas un lieu pénitentiaire, mais un camp de concentration. Ce n’est pas la même chose", in Geneviève Dreyfus-Armand, Émile Temime, Les Camps sur la plage, un exil espagnol, Paris, éditions Autrement, 1995, 141 p.).
Les premières semaines, les hommes dorment à même le sable ou la terre, sans baraquement pour s’abriter. Les décès sont réguliers en raison du manque d’hygiène et des difficultés d’approvisionnement en eau potable et en nourriture. Les conditions de surveillance sont drastiques et assurées par les troupes militaires, tirailleurs sénégalais, spahis ou garde républicaine mobile. Humiliés par cet accueil et les conditions de vie qu’ils subissent durant leurs premiers mois en France, les réfugiés tentent cependant d’améliorer leur quotidien dans les centres d’hébergement et dans les camps. En comptant parfois sur l’aide de différentes organisations internationales de soutien aux réfugiés espagnols, ils organisent différentes activités afin de ne pas sombrer dans la folie et la dépression. Jeux de cartes, parties d’échecs, rencontres sportives, cours scolaires de tous niveaux, rédaction de journaux ou de bulletins, conférences improvisées et discussions politiques constituent l’emploi du temps de la majorité des réfugiés.
Dans la tourmente de la Seconde Guerre mondiale
À la mi-juin 1939, 173 000 Espagnols sont encore internés dans les camps français. La situation, qui devait être temporaire, se prolonge. Les autorités favorisent les rapatriements en Espagne pour alléger la charge représentée par les réfugiés. Nombreux sont alors les Espagnols à retourner en terre franquiste, pas toujours volontairement. Des cas de rapatriements forcés sont signalés, notamment au départ des centres d’hébergement. Certains réfugiés essaient alors d’émigrer en Amérique latine, refusant le retour en Espagne tant que Franco est au pouvoir. Le Mexique accueille des réfugiés, mais les effectifs resteront limités. Alors que la guerre se profile, ceux qui restent deviennent pour le gouvernement français une possible main d’œuvre pour remplacer les appelés au front. Les Compagnies de Travailleurs Étrangers sont organisées dès le mois d’avril 1939 par un décret-loi et des milliers d’Espagnols, de sexe masculin et âgés de 20 à 48 ans, sont embauchés dans le but de fortifier les frontières et de participer à des travaux publics de grande envergure. Les autorités militaires proposent aussi aux réfugiés espagnols de rejoindre la Légion Étrangère ou le corps des Régiments de Marche de Volontaires Étrangers. Durant la Seconde Guerre mondiale, des groupes de réfugiés espagnols s’organisent dans les maquis et entrent en résistance contre l’occupant nazi et le gouvernement de Vichy. La motivation des Espagnols est portée par l’espoir de renverser, avec l’aide des démocraties européennes, le régime de Franco. Or, les puissances alliées ne tiendront pas leurs promesses. Franco reste au pouvoir jusqu’en 1975, prolongeant ainsi l’exode des réfugiés qui deviendront des exilés politiques (à noter qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on compte 240 000 Espagnols en France, parmi lesquels 40% d’exilés républicains).
Aujourd’hui, plus de soixante-dix ans après la Retirada, de nombreux Espagnols – anciens réfugiés – sont toujours installés dans les régions françaises, notamment dans le Sud-Ouest. Leurs enfants et petits-enfants se chargent d’entretenir la mémoire de ceux qui, à leurs yeux, ont lutté jusqu’à la mort pour un idéal humaniste.
Dossier réalisé par Cindy Coignard et Maëlle Maugendre de l'Association Adelante
Citation :
Adelante est une association de jeunes chercheurs en Lettres et Sciences Humaines et Sociales, internationale et pluridisciplinaire. Elle réunit, via une liste de diffusion Internet, plus d’une centaine d’étudiants de master et de doctorat ainsi que des jeunes chercheurs non titulaires travaillant sur des thématiques en liens directs ou indirects avec la Guerre d’Espagne et ses multiples répercussions. Ces thématiques incluent de manière non exhaustive : la Seconde République, la Guerre d’Espagne, les déplacements de populations, les exils, les luttes antifranquistes, les engagements intellectuels et artistiques, le genre, la mémoire et l’identité, le franquisme, la transition démocratique, les solidarités internationales, etc. L’association a pour objectif de faciliter le contact et l’entraide entre les étudiants et d’organiser différentes activités scientifiques : publications, ateliers méthodologiques, séminaires, journées d’étude, etc. Contact : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
ma mère ma raconté sa traversée de L’Espagne avec sa maman, car son père et son frère étaient à Paris ! cette traversée que ma maman a faite, une belle épopée puisqu"elle sauvé un américain ... mais l’histoire serai longue à raconté !
Les conditions de vie dans ces camps, que les autorités françaises nomment elles-mêmes, en 1939, "camps de concentration", sont extrêmement précaires. Les premières semaines, les hommes dorment à même le sable ou la terre, sans baraquement pour s’abriter. Les décès sont réguliers en raison du manque d’hygiène et des difficultés d’approvisionnement en eau potable et en nourriture. Les conditions de surveillance sont drastiques et assurées par les troupes militaires, tirailleurs sénégalais, spahis ou garde républicaine mobile.
Humiliés par cet accueil et les conditions de vie qu’ils subissent durant leurs premiers mois en France, les réfugiés tentent cependant d’améliorer leur quotidien dans les centres d’hébergement et dans les camps. En comptant parfois sur l’aide de différentes organisations internationales de soutien aux réfugiés espagnols, ils organisent différentes activités afin de ne pas sombrer dans la folie et la dépression.
la france a bien eu des camps de concentrations, remplis d'espagnols. cet épisode sombre d'une france soi-disant terre d'asile, a été magistralement contée dans le film "Josep" [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
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Mon père est arrivé en France en Février 39 … camp de réfugiés de Arles sur Tech … Argeles sur mer … jusqu’en janvier 40 …. Et d’autres dans l’Eure, Oradour sur Glane et Montoir de Bretagne en Loire Atlantique, interné sous la surveillance des autorités allemandes. Sa mère et 2 frères et sœurs sont restés en Espagne … mes oncles et ma grand mère ont été emprisonnés… 2 sont partis en France …. Mon père m’en a parlé bien sûr de cette époque et j’ai des écrits de lui. En 1975 on a bu le champagne … c’était la mort de Franco
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En 1975 on a bu le champagne … c’était la mort de Franco
Tu m'étonnes je ne sais pas si tu as connu ça du temps de Franco, je suis française pourtant, dans les cafés il fallait qu'on soit ma sœur et moi accompagné des parents... et silence radio sur la politique de Franco sinon on t'embarquait... à la mort de Franco, comme tous les ans, on retourne en Espagne et là, c'était l'euphorie dans les espaces publiques, les cafés, les langues se délies… on sentait la liberté !!!
Pour revenir à cette triste époque, maman me racontait qu'elle a vu deux de ses tantes se faire fusiller devant ses yeux... comme dans toutes les guerres, c'est l'horreur en permanence...
Je suis allée en Espagne du temps de Franco, seule d’abord avec ma mère, mon père n’étant pas encore naturalisé …. Je vois encore la tête de ma grand-mère quand elle voyait les colonies de curés et militaires se balader dans les rues …. Elle me parlait à voix basse. Ceux qui mangeaient à leur faim et qui étaient gros et gras !!! « Les corbeaux » comme elle disait…. Par contre quand j’y suis allée la première fois avec mon père naturalisé c’était en train … gare de Canfranc dans les Pyrénées…. Il n’y avait plus aucun passager dans la gare …. Sauf nous ! Je m’en souviens j’étais pas bien j’évitais le regard de mon père … le régime ne pouvait plus rien étant français, mais sale impression ! Tant que Franco était là, il fallait plutôt parler de ses opinions qu’en privé
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on pourrait dire de même pour les communistes , à Drancy où mon père a été emprisonné avec les siens... le grand. père de mon 1er époux, jamais revenu des camps, car communiste également..... l'exode quittant paris pour la province, récit décrit par ma grand. mère durant la guerre avec mon grand-père Alsacien... C'est atroce tout ce que subissent les peuples sous l'oppression des tyrans.... Je compatis à vos histoires familiales Mesdames
dans le film que je cite (Josep), ce qui m'a choqué le plus est le racisme des soldats chargés de surveiller le camp. Bien avant les vagues maghrébines, les soldats français étaient lobotomisés par la guerre et avaient appris à haïr n'importe quel étranger européen..
Les soldats d’où qu’ils soient exécutaient des ordres ou ils pouvaient également être fusilles. La guerre n’est que cruauté et barbarie. En Espagne il n’y avait pas d’envahisseurs … c’était des espagnols qui tuaient fusillaient leurs propres frères leurs enfants , un même pays s’entretuant. Jusqu’où va la folie ? Inimaginable, et pourtant !
« La guerre civile espagnole fut très meurtrière, on dénombre – civils compris – un million de mort. Près de 400.000 Républicains s’exilèrent, principalement vers la France.
Victorieux après la prise de la capitale le 28 mars 1939, le général Franco instaure un régime dictatorial et un parti unique. Les républicains restés en Espagne vont faire les frais d’une répression acharnée de la part du régime franquiste.
Franco est nommé Caudillo (le guide), un surnom qui fait écho à ses homologues allemands et italien, le Führer et le Duce. Cette guerre civile a officialisé le rapprochement entre l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie et prouvé l’inefficacité de la lutte démocratique contre les dictatures. Elle est ainsi vue, pour les historiens Serge Berstein et Pierre Milza, comme une « répétition générale de la Seconde Guerre mondiale ».
c’était des espagnols qui tuaient fusillaient leurs propres frères leurs enfants , un même pays s’entretuant. Jusqu’où va la folie ? Inimaginable, et pourtant !
« La guerre civile espagnole fut très meurtrière, on dénombre – civils compris – un million de mort. Près de 400.000 Républicains s’exilèrent, principalement vers la France.