le vendredi 31 octobre - 17h51
Trois avis d'économistes: l'avenir de l'Europe en noir ou en rose
Les scénarios du pire: -Le syndrome nippon. Selon Peter Dekeyser, Chef économiste chez BNP Paribas Fortis, le scénario le plus noir serait "
japonais", celui d’une croissance totalement à l’arrêt. "
Les pays se désendettent, mais l’octroi de crédit reste sous pression. Les banques lèvent du capital pour répondre aux attentes des stress tests, mais les investissements restent insuffisants et la croissance tombe à zéro, tout comme l’inflation, ce qui augmente encore le poids de la dette." C’est l’exemple inverse de ce que l’on a connu dans les années 70. Les familles contractaient alors un prêt hypothécaire dont la mensualité restait constante dans le temps, tandis qu’entraînés par l’inflation, les salaires doublaient en 8 ans.
La crainte du scénario "
à la japonaise" est partagé par l’économiste et professeur d’université, Bruno Colmant pour qui la poursuite de la tendance déflationniste structurelle et la baisse des prix est comparable. Ce scénario correspond au vieillissement de la population qui n’a plus de besoins. La baisse des recettes de l’Etat et l’augmentation des dépenses provoquent ainsi une augmentation de la dette publique.
Selon lui, cette tétanie de l’économie n’est en rien comparable à la crise de 2008 "
C’était la crise de l’effervescence financière dans les banques trop en recherche de gains. Cette fois, le problème est qu’il n’y a pas assez d’opportunités de crédit. "
-La zone euro remise en cause. Le deuxième risque évoqué par le Chef économiste de BNP Paribas Fortis est la remise en question de la zone euro. "
Le risque d’implosion de la Grèce et de la périphérie est sous contrôle grâce à la BCE mais la périphérie (principalement les pays du sud) ne connaît qu’une croissance molle face aux pays de la zone nord (Allemagne et Benelux) ce qui constitue une menace à plus long terme." Ce scénario du pire dépend à la fois de l’Allemagne qui déciderait de rester trop rigoureuse en matière d'austérité et de la France qui refuserait de prendre des mesures structurelles nécessaires.
-La rémunération des milieux bancaires. Eric De Keuleneer professeur à Solvay ULB a une autre vision du scénario du pire. Le risque de crise financière et surtout bancaire reste à ses yeux très important. Mais c’est principalement à cause du système de rémunération des milieux bancaires. Un modèle qui, selon lui, accroît l’inégalité des revenus au sein de la population. "
Ces systèmes absurdes rémunèrent d’autant mieux les traders peu scrupuleux qui prennent trop de risquent, manipulent les marchés et trompent leurs clients. " Pour Eric de Keuleneer, ces rémunérations sont la cause de l’augmentation des inégalités. Et, par contagion, des rémunérations exagérées demandées pour la gestion de fortunes. "
En Europe, cela concerne des centaines de milliers de personnes injustement surpayées sans créer de valeur ajoutée, mais en entretenant des risques excessifs ". Le scénario de la crise financière de 2008 pourrait donc se reproduire dans la mesure où les marchés financiers génèrent des risques inutiles et où l’argent des épargnants est utilisé dans des activités spéculatives.
-Le chômage des jeunes Pour Eric De Keuleneer, le deuxième danger est que les gouvernements ne prennent pas en Europe les réformes nécessaire pour lutter contre le chômage des jeunes et l’absence de création d’emploi. " Il faut se pencher sur les mesures qui aujourd’hui découragent le travail. En Belgique on attend de la réforme fiscale une moindre taxation du travail. "
Le gros problème est la France. Sa résistance historique face à toute réforme est liée au nombre des privilèges dont jouissent des catégories de personnes."
Les Scénarios positifs :
-des réformes rapides. Il n’y aura pas de salut sans de –longues- réformes. Comme celles prises par l’Allemagne il y a 10 ans, ou comme aujourd’hui l’Irlande et l’Espagne. Les pays baltes ont utilisé la crise pour se restructurer, argumente Peter Dekeyser. "
On voit que cela s’améliore de façon spectaculaire en Irlande et des pays comme l’Italie et la France devraient y voir une opportunité ".
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Un climat international serein. Pour Eric De Keuleneer, l’embellie pourrait venir de la politique internationale.
" L’inquiétude n’est jamais favorable aux investissements. Ce qu’il s’est passé en Ukraine, en Iran et au Moyen-Orient a été négatif pour l’économie. Si la situation se stabilise entre l’URSS et l’Ukraine, si l’Iran redevient stable dans un pays qui se modernise et si la Russie respecte certaines règles, le climat redeviendra positif ".
-Un support européen de la population. La relance de la croissance passe aussi par un soutien démocratique au projet européen. Le Chef Economiste de BNP Paribas Fortis prend l’exemple des constructeurs de poids lourds Bulgares : "
Cette concurrence va générer de la croissance en menaçant des positions privilégiées, mais au risque de réduire le soutien de la population pour l’Europe. Des partis comme le FN en France indiquent les limites de l’intégration européenne."
Bien que fort critiqué, l’accord Transatlantique (Europe-USA) pourrait, selon Peter Dekeyser, stimuler le commerce et l’innovation en exposant les entreprises européennes à l’environnement américain. "
Le commerce génère la croissance depuis la chute du mur de Berlin. On a besoin de cela en Europe. "
Des politiques keynésiennes. Le scénario optimiste de Bruno Colmant n’est pas réjouissant pour autant. D’abord parce que selon lui, sortir de la déflation ne se fera qu’en 5 ou 10 ans. Entretemps, les Etats devront mettre en œuvre des politiques keynésiennes avec d’importants travaux d’infrastructure, des investissements dans les technologies et l’éducation. Les Etats devront donc s’endetter. Un atout, selon le professeur est que les jeunes de 22 à 25 ans sont aujourd’hui plus adaptables et innovateurs que les générations précédentes. L’avenir passera par une économie un peu plus étatisée et une jeunesse capable de prendre le relai.
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