Aigues-Mortes[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]"Vaisseau de haut bord" (Chateaubriand) échoué entre étangs, salines, marais et canaux, Aigues-Mortes apparaît tel un mirage, dressant ses longues murailles aux tons de miel, délicatement rosées par les rayons du couchant.Le nomAquae mortae: les eaux mortes. Les habitants trouvaient ce nom si lugubre qu'ils demandèrent en 1248 à saint Louis d'adopter celui, plus optimiste, de Bona per forsa ("Bonne malgré tout", en latin de cuisine). Mais, pareille aux bras morts du Rhône, la requête se perdit dans les sables.
Les gens6012 Aiguesmortains, ou "Ventrebleus" pour leurs voisins du Grau-du-Roi, outre la statue de saint Louis.
ComprendreAu commencement était le selExploitées dès l'Antiquité, les salines d'Aigues-Mortes attirèrent pêcheurs et sauniers dans ce lieu insalubre. Les moines bénédictins y établirent dès le VIIIe siècle l'abbaye de Psalmodi afin d'exploiter cette denrée précieuse dans les étangs de Peccais. Les salines resteront très longtemps une des principales ressources de la ville. Pour parvenir aux "tables saunantes", l'eau pompée dans la mer parcourt plus de 70 km dans des roubines; la concentration de chlorure de sodium y passe de 29 à plus de 260 g/l. Récolté mécaniquement, le sel est amoncelé en de scintillantes "camelles" avant d'être conditionné. Récolté à Aigues-Mortes par la compagnie des Salins du Midi, il est réservé à l'usage alimentaire.
Une opération immobilièreComme beaucoup de ses prédécesseurs, saint Louis avait une idée fixe: libérer les lieux saint des "infidèles". Mais, à cette époque, la France ne comptait aucun port sur la Méditerranée. C'est chose faite (ou presque) en 1240: les moines de Psalmodi cèdent un lopin de terre au souverain... Il y fait aussitôt aménager un port, construire la tour de Constance et l'église N.-D.-des-Sablons. Attirer des habitants en ce lieu plutôt insalubre et éloigné de tout n'était pas chose facile: on accorda donc maints privilèges aux intrépides qui acceptèrent de s'y établir... Et le 28 août 1248, 1.500 navires appareillèrent pour Chypre. L'expédition, qui dura 8 ans, ne donna guère de résultats, si bien que le roi décida de repartir en 1270. Victime du typhus, il dut s'aliter à Tunis et mourut quelques jours plus tard. C'est son fils Philippe le Hardi qui, en 1272, commanda la construction des remparts à un entrepreneur génois, Guillaume Boccanegra.
La lutte contre le sableDes heurs et malheurs de son grand roi, Aigues-Mortes tira malgré tout une prospérité certaine, grâce au développement de son port. Les villes italiennes comme Venise l'utilisaient et diverses ordonnances lui accordèrent le monopole du commerce français en Méditerranée. Cependant, cette opulence allait péricliter avec l'ensablement du canal, puis la fermeture et la transformation en étang de l'anse du Repos, au XVIe siècle. Malgré des travaux continuels et le percement de l'actuel chenal maritime vers le Grau-du-Roi, le destin d'Aigues-Mortes ne sera plus lié à la mer. L'annexion de la Provence en 1482 donne la prééminence au port de Marseille et la création du port de Sète, en 1666, portera le coup de grâce aux aspirations maritimes des Aiguesmortains.
VengeanceGrevé de taxes (dont la fameuse gabelle instituée en 1343), le sel suscita une telle contrebande que Sully, agacé (et toujours soucieux des deniers publics), voulut faire noyer en 1596 tous les salins provençaux.
Note saléeLe sel a toujours été considéré comme une matière précieuse: les légionnaires romains étaient payés pour partie en sel, ce qui a donné en français le mot salaire.
Se promenerLe centre-villeLa ville fut dessinée sur le modèle des bastides, selon un plan régulier de 550 sur 300 m quadrillé par des rues rectilignes. Protégé du vent salé par ses hautes murailles, Aigues-Mortes semble avoir aussi échappé à l'usure du temps. On y trouve de nombreux cafés, échoppes d'artisans, magasins de souvenirs et galeries d'art autour de la place St-Louis et dans les rues principales.
Chapelle des Pénitents Blancs[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Cette chapelle baroque, rendue au culte tous les ans pour le dimanche des Rameaux, abrite ostensoirs, dais et lanternes, qui étaient utilisés lors des processions par cette confrérie instituée en 1622. Derrière le choeur, trône l'immense Pentecôte de Xavier Sigalon.
Chapelle des Pénitents Gris[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Baroque toujours, cette charmante chapelle encadrée de cyprès fut élevée en 1607. Elle servit sous la Révolution d'entrepôt à fourrage: c'est sans doute ce qui a sauvé de la destruction le délirant retable baroque sculpté par Jean Sabatier.
Eglise Notre-Dame-des-Sablons[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Edifiée sous saint Louis, l'église gothique fut parfois pillée, souvent remaniée... et subit bien des avatars (elle servit même, un temps, d'entrepôt à sel). Une belle charpente et un décor dépouillé sont mis en lumière par les vitraux contemporains de Claude Viallat, l'apôtre nîmois du groupe Support-Surface.
Place St-Louis[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Jolie place ombragée de platanes, coeur animé de la cité. Au centre, juché sur son piédestal, saint Louis (par Pradier, 1849) surveille d'un oeil indulgent la foule qui, l'été, envahit les terrasses des cafés et des restaurants. La chapelle des Capucins, édifiée au XVIIe siècle avec des pierres venant de l'ancien môle de la Peyrade, servit de halle couverte jusqu'à sa reconversion en lieu d'exposition.
Les fortificationsTour de Constance[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Ce puissant donjon de 40 m de hauteur (y compris la tourelle) fut édifié entre 1240 et 1249; le châtelet d'entrée et le pont qui le relie au rempart datent, eux, du XVIe siècle. La salle de garnison, voûtée de belles ogives, a gardé son four à pain; un oculus percé en son centre servait d'accès au cul-de-basse-fosse. Un escalier à vis mène à l'oratoire du roi, petite pièce ménagée dans le mur, puis à la salle haute, où furent emprisonnés maints huguenots.
Les remparts[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Un tour des remparts par le chemin de ronde permet de découvrir la ville, avec de belles perspectives sur le chenal maritime (aujourd'hui port de plaisance) et les salins d'Aigues-Mortes. Edifiées à partir de 1270, les murailles d'Aigues-Mortes (en pierre de Beaucaire et des Baux) nous sont parvenus intactes, ce qui en fait le meilleur exemple d'architecture militaire du XIIIe siècle. Elles dessinent un grand quadrilatère dont les murs, surmontés de chemins de ronde, sont flanqués de tours. Les plus fortes, placées aux angles et aux portes principales, sont couvertes de terrasses comprenant deux salles voûtées. S'il n'y avait que deux portes côté Nord, les quais d'embarquement du port de l'étang de la Ville (aujourd'hui asséché), côté sud, étaient desservis par cinq portes. La porte de l'Organeau doit son nom à l'organeau (anneau de fer) où les nefs venaient s'amarrer. Quant à la porte des Galions, elle rappelle que les galères venaient se ranger à cet endroit.
Tour à vueDu sommet de la tourelle de guet de la tour de Constance, que surmonte une cage en fer forgé (elle protégeait jadis une lanterne servant de phare), un immense panorama se découvre au-delà des remparts sur les salins, la Camargue, les pyramides de la Grande-Motte, Sète et la barre bleutée des Cévennes.
AlentoursSalins du Midi[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Leur visite permet de suivre les étapes de l'obtention du sel, autrefois et aujourd'hui.
Tour Carbonnière[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Tracée sur une digue parmi étangs et roseaux, la route, ancienne piste de sauniers, constituait autrefois le seul accès terrestre vers Aigues-Mortes. Rien d'étonnant à ce qu'on y ait édifié au XIVe siècle cette tour afin de défendre la ville contre les visiteurs indésirables, avant d'y installer, en 1409, un poste de péage... La garnison vivait dans une salle au 1er étage (cheminée et four à pain). De la plate-forme, vue sur les étangs.
Château de Teillan[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Castrum gallo-romain, puis prieuré de l'abbaye de Psalmodi, c'est depuis le XVIIe siècle un château que surmonte une tour de guet (belle vue depuis la terrasse). Dans le parc, bien agréable en été, nombreux autels romains et bornes militaires, ainsi qu'une remarquable noria (machine permettant de puiser de l'eau de façon continue).
Texte recopié du livre:
Mes Livres Voyages - La Provence - Editions Atlas