Le Parti pirate hacke les législatives
Créé le 24-05-2012 à 11h33 - Mis à jour le 25-05-2012
Le mouvement s'engage dans sa première campagne nationale avec plus de 100 candidats dont l'objectif reste de faire connaître ce jeune parti.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Des affiches du Parti Pirate (DR)
Encore balbutiant, le Parti pirate français s'engage dans sa première campagne nationale avec les élections législatives de juin prochain. Le jeune parti veut sortir de la confidentialité après cinq ans de tâtonnements. Au total, 101 "pirates" sont candidats dans toute la France pour promouvoir surtout la défense des libertés sur internet.
L'objectif n'est pas d'avoir un député mais plutôt de faire connaître nos idées", explique Maxime Rouquet, co-président du Parti pirate, au "Nouvel Observateur".
Il s'agit également d'un pari : recueillir au moins 1% des voix dans 50 circonscriptions pour accéder au financement public des partis politiques. Financement qui permettrait aux pirates de préparer des campagnes de plus grandes ampleurs pour les prochaines échéances électorales : les municipales et les européennes de 2014. Pour l'heure, "nous avons très peu de moyens et avons opté pour des campagnes à zéro euro". Ce qui impose par exemple aux électeurs d'imprimer eux-mêmes leurs bulletins de votes.
Pour ces législatives, pas ou peu de thèmes locaux, mais plutôt un programme national, "ni de droite ni de gauche", qui s'articule autour de cinq grands thèmes :
- La légalisation du téléchargement
- La lutte contre le fichage des citoyens
- L'assurance d'une indépendance de la justice
- L'affirmation d'une transparence de la vie politique
- L'ouverture des données publiques
Hadopi, le produit d'appel
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Fini la loi anti-téléchargement Hadopi, le Parti pirate plaide pour une large légalisation du "partage sur internet hors but lucratif". Concrètement, les téléchargements réalisés en peer-to-peer seraient légalisés. Plus largement, le parti souhaite assouplir le droit d'auteur. "Il s'agirait d'adapter le fonctionnement de la radio à internet : la diffusion globale se ferait grâce à une gestion collective des droits, en lien avec par exemple la Sacem, et un accès au catalogue facilité", explique Maxime Rouquet. Des points sur lesquels François Hollande s'est difficilement engagé.
Pour financer un tel système, les pirates penchent pour le "mécénat global" qui prévoit que chaque internaute verse une somme forfaitaire chaque mois et décide à quels artistes celle-ci est reversée. L'idée d'une nouvelle taxe Google reste rejetée puisque basée "sur une vision nationale, alors qu'il faut une harmonisation des politiques fiscales européennes", estime le co-président du parti.
Au-delà du produit d'appel qu'est la lutte anti-Hadopi, le Parti pirate s'insurge contre le fichage et la vidéo-surveillance. "Nous souhaitons qu'un juge valide toute décision de fichage, de prise d'empreintes génétiques ou digitales, ou de manière générale toute atteinte à la vie privée des citoyens", réclame le programme.
Les dispositifs dits "de surveillance" seront également plus encadrés avec une limitation du déploiement de la vidéo-surveillance et une anonymisation des cartes de transport. "Globalement, il faudra développer les moyens de la Cnil [Commission nationale de l'informatique et des libertés,
NDLR] pour une vigilance accrue sur ces thématiques", renchérit Jérôme Micucci, candidat du Parti pirate à Paris.
Hacker la vie publique
Le Parti pirate se veut également défenseur de l'indépendance de la justice avec la création d'un "Conseil supérieur de la justice", indépendant de l'exécutif afin de "faire cesser la justice aux ordres et les affaires étouffées".
Nous voulons également revoir et étendre la loi sur le secret des sources journalistiques pour que les contrevenants soient enfin punis et que les lanceurs d'alerte, comme WikiLeaks, soit protégés", souligne Maxime Rouquet.
Sur le modèle suédois, les pirates militent pour une "transparence de la vie politique" notamment en publiant les frais des élus et en interdisant le cumul des mandats. "Les citoyens doivent pouvoir savoir qui paye chaque repas de ses élus", avance Jérôme Micucci. "Cela permettra d'enrayer le poids des lobbys et d'intéresser à la politique."
Enfin, le Parti pirate imagine adapter la culture hacker à la vie publique en publiant toutes les informations d'utilité publique. "Il faut savoir que, par exemple, le plan du métro parisien est protégé par des droits d'auteur qui empêchent son utilisation libre", souligne Maxime Rouquet.
Des alliances au cas par cas
Quid du ralliement du Parti pirate pour le second tour des législatives ? "Ce sera au cas par cas", tranche le co-président du parti. "Nous ne sommes pas opposés au fait de travailler avec une autre formation, mais il faut que l'autre s'engage à défendre nos idées et que son programme soit compatible", résume-t-il.
En 2009, lors d'une législative partielle dans les Yvelines, Maxime Rouquet avait recueilli 2,1% des voix.
"On espère qu'une fois qu'on aura autant de moyens que les Allemands, nous ferons les mêmes scores", glisse Maxime Rouquet. En Allemagne, les pirates ont récemment remporté vingt sièges de députés au Parlement régional.
Ces élections seront une réussite pour le parti", prédit confiant l'eurodéputé suédois Christian Engström, membre du Parti pirate. "Le mouvement pirate et ses préoccupations sont mondiales. Le mouvement s'intensifie et se propage à travers le monde, de la même manière que les Verts, les libéraux ou les socialistes par le passé", conclut-il.
Le Parti pirate "peut tirer son épingle du jeu dans des scrutins intermédiaires [comme les législatives], où il peut fédérer un vote protestataire", analyse le politologue Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof.
De là à voir un député "pirate" siéger à l'Assemblée, le chemin est encore long. Mais le Parti pirate s'inscrit clairement dans l'affirmation de peser sur l'échiquier politique, ou du moins de continuer dans son rôle de "poil-à-gratter politique", selon les termes du pirate Jérôme Micucci.