« Entre le 15 mai et le 15 décembre 2011, aucun film français n’a été téléchargé sur le Web »
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Double rainbow all the way dans le cinéma français : le piratage a disparu ! Photo Eric Rolph, CC BY SA
Ah, Nicolas Seydoux... Inénarrable Nicolas Seydoux. Président de Gaumont mais aussi de l’Alpa, l’Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, l’homme surveille de près les pratiques de téléchargement illégal qui menacent sa profession. Jamais à court de métaphores ubuesques, il s’applique à rappeler le plus régulièrement possible quels sombres dangers font planer les pirates sur l’industrie du cinéma.
Sa compréhension du droit d’auteur est erronée (
« Le droit d’auteur est accompagné d’un droit moral, (...) et le droit c’est la morale, et c’est le respect d’une certaine morale »), ses comparaisons ridicules (sur la nécessité d’Hadopi :
« Heureusement que les parlements mondiaux ont contrôlé la vitesse sur les routes et qu’on se préoccupe de ce que peut donner le nucléaire ! »), ses préconisations violentes (les professionnels doivent
« éradiquer en leur sein les mauvaises herbes » qui font fuiter les films sur Internet).
Mais surtout, il est intimement convaincu que l’Hadopi a fonctionné à merveille et ramené les pirates sur le chemin des salles de cinéma.
« C’est une très belle année de fréquentation dans les salles, parce que les dispositifs mis en place font que les gens se sont dit que ça serait peut-être plus difficile d’avoir des œuvres illicites à télécharger, et qu’ils ont été dans les salles », expliquait-il au Sénat en janvier. Mieux encore ! Comme on l’apprend aujourd’hui dans le rapport financier 2011 de Gaumont (ici en PDF), le téléchargement illicite a diminué de 50% au cours de l’année selon les estimations,
« optimistes », des ayants droit du cinéma.
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Tout cela grâce au processus de surveillance des réseaux peer-to-peer mis en place par l’Hadopi, apparemment. Nicolas Seydoux commence par vanter le bilan de l’Alpa, qui a détecté (via TMG, l’entreprise nantaise qui surveille les réseaux peer-to-peer)
« 110 millions d’incidents » et
« envoyé 8,7 millions de procès-verbaux à l’Hadopi ». Ces volumes sont impressionnants. Puis, au milieu de l’année, il s’est produit un étrange phénomène.
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[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Monsieur Seydoux est-il sérieux ?
« Entre le 15 mai et le 15 décembre 2011, aucun film français n’a été téléchargé sur le Web », annonce-t-il sans la moindre réserve. Zéro film. Rien. Niet. Le trou noir. Le vide intégral. Alors un petit peu de respect, s’il vous plaît :
« Sans être parfaite, comme toute solution d’un sujet complexe, l’Hadopi mérite mieux que les commentaires désobligeants et inexpérimentés que certains voudraient faire prévaloir. » L’auteur de cette phrase ne semble pas avoir sourcillé en écrivant ces lignes, puisqu’il ne s’étonne même pas de cet incroyable événement... Pas plus qu’il ne cherche à l’expliquer, ou à le nuancer.
Malheureusement pour le président de Gaumont, 73 ans au compteur et fin connaisseur d’Internet (qui ne semble même pas soupçonner l’existence des sites de téléchargement direct puisqu’il sépare le problème du piratage entre
streaming et « pair à pair », qui
« se partagent sensiblement pour moitié le volume des téléchargements illicites »), notre conscience professionnelle de journalistes droits dans leurs bottes nous pousse à démentir ses affirmations. Profondément motivés par la recherche de la vérité, nous avons procédé à quelques vérifications auprès de collègues voulant garder leur anonymat, et conclu qu’une quinzaine de films français au minimum ont fini sur nos disques durs. Source