Mali : dans quelles circonstances l'armée française a-t-elle tué un enfant de 10 ans ?
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Après la mort dans des circonstances floues d'un mineur, dans le nord du Mali, le ministère de la Défense a ouvert une enquête et François Hollande a réagi. L'enfant a été tué par des hommes de l'opération française Barkhane avant d'être enterré à la va-vite.
L'armée française a-t-elle commis une bavure au Mali ? C'est ce que semble affirmer Jeune Afrique, en révélant vendredi que des soldats de l'opération Barkhane, déployée dans le pays d'Afrique de l'ouest depuis 2014 pour lutter contre le terrorisme, avaient tué un enfant de 10 ans.
L'information n'a été ébruitée que récemment. Fin décembre, une réunion se tient à Bamako entre des responsables de l'opération Barkhane et des membres de la Minusma, la mission de l'ONU au Mali. Un officier français, interrogé par un agent onusien sur la mort suspecte, reconnaît : après avoir tué le mineur au cours de l'attaque d'un groupe terroriste, des soldats français l'auraient enterré en catimini. «Il a précisé que cette inhumation avait été menée dans le respect des procédures internes, ce qui laisse à penser que ce genre de pratique est courant. En fait d’un combattant, il s’agissait d’un enfant âgé, selon sa famille, de 10 ans», détaille Jeune Afrique.
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Les faits demeurent flous. On sait qu'ils se sont produits le 30 novembre, dans l'extrême-nord du Mali, près de Tigabatene. Selon les témoignages de la famille, recueillis par le média africain, le garçon, qui se nommait Issouf Ag Mohamed, est chargé ce jour-là par ses parents de rassembler les ânes pour aller chercher de l'eau. Peu après, des tirs se font entendre au loin, des hélicoptères survolent la zone, des soldats se posent, repartent. Le lendemain, les habitants des environs sont informés qu'un enfant a disparu. A l'endroit où les soldats français s'affairaient la veille, des villageois découvrent la sépulture sommaire. Sous la terre, repose Issouf, «enterré à la va-vite».
Enquête ouverte par le ministère de la Défense
Alors que la famille de l'enfant mort réclamait des explications, le ministère de la Défense français est enfin sorti de son silence. En publiant un communiqué, d'abord, vendredi, puis en évoquant le sujet samedi, devant des journalistes français en marge du 27e sommet Afrique-France organisé dans la capitale malienne Bamako. Une «enquête est en cours, j'en aurai les résultats à la fin du mois ou dans quelques semaines et je prendrai les décisions nécessaires à ce moment-là au regard des informations qui me seront données», a déclaré le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian,
«C'était une opération de combat menée par Barkhane (la force antiterroriste française au Sahel, ndlr) sur un théâtre de combat», a ajouté Jean-Yves Le Drian, précisant qu'il «s'agissait d'empêcher une action (conduite par un groupe armé) de venir percuter voire tuer des soldats français dans un convoi logistique (...). Lorsque nous avons repéré l'existence de cette action militaire à venir, nous avons décidé de faire feu pour sauver la vie de nos militaires français». Et de rappeler qu'un militaire avait été tué quelques semaines auparavant dans une situation similaire.
Enfant-soldat, guetteur, innocent ?
Apprenant «quelques jours après que la victime de l'action de Barkhane était mineure - c'était le 16 décembre -, j'ai décidé une enquête de commandement pour vérifier les conditions dans lesquelles avait été menée cette opération», a poursuivi le ministre, avant d'évoquer des formes «particulièrement perverses» du combat mené par les groupes djihadistes, parmi lesquelles «les enfants-soldats». La veille, dans son communiqué, Le Drian évoquait «un réseau de guetteurs agissant pour le compte d’un groupe armé terroriste» et la mort de l'un d'eux. Il s'agissait d'Issouf.
Comme on lui demandait si cette action pouvait être qualifiée de bavure de l'armée française, le ministre a répondu : «J'attends les résultats de l'enquête que j'ai commanditée».
François Hollande réagit
Un peu plus tard dans la journée, lors d'une conférence de presse de clôture du 27e sommet Afrique-France, à Bamako, le président François Hollande a évoqué à son tour le sujet. «Nous aurons les résultats de l'enquête à la fin du mois ou au début du mois de février», a-t-il déclaré, au côté de son homologue malien Ibrahim Boubacar Keïta.
Confirmant l'information, François Hollande a souligné que la France se fixait pour «règle» de «ne jamais porter atteinte à la population civile (...). C'est pourquoi le ministre le défense a diligenté une enquête le 16 décembre».
«Nous n'avons rien à cacher», a ajouté le président de la République, affirmant sa volonté de ne «rien donner (aux) terroristes comme prétexte, comme justification (...). Ce sommet de Bamako a été pour la France un moment très important de reconnaissance donc je ne laisserai surtout pas mettre la moindre tache sur l'action de la France au Mali».
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