"Astérix et Obélix au service de Sa Majesté" : fan de la BD, le film m'a rendu furax
le 18-10-2012
LE PLUS. Nous sommes en 2012 après Jésus-Christ et toutes les salles de ciné sont occupées par des Gaulois qui résistent encore et toujours à l'envahisseur. Par Toutatis, "Astérix et Obélix, au service de Sa Majesté" est sur les écrans. Sauf que, pour notre contributeur François Message, fan des irréductibles Gaulois, cette dernière adaptation de la bande dessinée est loin d'être une potion magique.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] "Astérix et Obélix au service de Sa Majesté" est sorti en salles le 17 octobre 2012 (J-M.LEROY/WILD BUNCH DISTRIBUTION).
CRITIQUE CINÉ. Voilà enfin le retour de notre "préféré gaulois" au cinéma ! Après un troisième épisode plus que pathétique, on a mis les bouchées doubles pour ce quatrième épisode : Edouard Baer en Astérix est plutôt une bonne idée – quoiqu'un peu mou, il convient toujours mieux que Clovis Cornillac –, on retrouve évidemment notre Depardieu national en Obélix, Laurent Tirard à la réalisation – à qui l'on doit un "Petit Nicolas" pas si désagréable –, et surtout Alain Derobe, directeur de la stéréographie sur nombre de films en 3D (dont l'extraordinaire "Pina"), qui avait fait revoir le découpage pour coller à la 3D, et à qui le film est dédié car il est décédé peu après le tournage.
Il faut dire aussi que le projet revient de loin : après plusieurs idées avortées ("Astérix Légionnaire" par Gérard Jugnot, ou encore "Le Tour de Gaule" par le duo Toledo et Nakache), ce fut un mix entre "Astérix chez les Bretons" et "Astérix et les Normands" qui fut finalement adapté.
Où sont les blagues de la BD ? Seulement voilà, quand on a lu la BD et qu'on a grandi avec le dessin animé de Pierre Tchernia de 1985 (et sa BO inoubliable), impossible de ne pas prendre le film comme une insulte au bon goût, à l'humour et au bon sens. Hormis deux ou trois blagues vaguement rigolotes, le film ressemble au bonus DVD d'un "Astérix chez les Bretons" qui n'aurait pas vu le jour et dont on ne montre que les scènes coupées.
Le casting, hormis le duo éponyme, est catastrophique : Vincent Lacoste joue de nouveau le beau gosse en un insignifiant Goudurix, Valérie Lemercier s'humilie auprès de Catherine Deneuve – les deux jouent comme elles le peuvent un accent anglais ridicule (qui pourtant donnait tout son charme au dessin animé) –, Dany Boon est franchement embarrassant en Normand bourru, Luchini campe un César hystérique, brailleur et libidineux (ont-ils lu une seule page de la bande dessinée ?). Restent Bouli Lanners (Grosbaf) et Guillaume Gallienne (Jolitorax), qui s'en sortent en faisant le minimum syndical.
Mais le vrai souci de cette adaptation, et c'est bien ce qu'avait évité Chabat pour son "Mission Cléopâtre", c'est la volonté de coller à l'histoire de la bande dessinée sans en reprendre une seule blague. Car oui, Astérix c'est avant tout des blagues, sur fond d'aventure aux quatre coins du monde, englobant par là même tous les clichés possibles et imaginables sur les Français à l'étranger.
Ici, on prend l'histoire et on la rend creuse et insipide. Par exemple (et il y en a foule), la scène des Romains "goûtant" les tonneaux de vin a été amputée de la célèbre réplique d'Obélix "Quels gros ? Y'en a qu'un, et il est pas gros !", qui était franchement une des meilleures vannes de la BD. Ici, non, Obélix arrive, colle une baffe au Romain, et repart.
Ça coûtait si cher de rajouter une phrase ? Quel est le prix de l'humour en France quand on a 60 millions d'euros, arrivant ainsi au deuxième plus gros budget de tous les temps pour un film hors États-Unis ? On est en droit de se poser la question, surtout quand on voit Luchini sortir à Astérix LA phrase qui ne fait plus rire personne depuis au moins 15 ans : "Je suis ton père" avec une respiration d'asthmatique. Bravo l'imagination.
Transformation dune perle en Microlax pour fans désespérés On pourrait croire que l'auteur de ces lignes est un vieux blasé cynique mais, quand rien ne colle à ce point à l'esprit Astérix et qu'Uderzo et les Goscinny-girls se targuent qu'il s'agit là du meilleur film de la franchise, on est en droit de se poser des questions.
Et la liste de défauts évidents est longue comme un tour de Gaule :
- Bigboss, sympathique chef de village breton remplacé par une Reine d'Angleterre qui n'a visiblement rien à faire là dans un décor victorien tout aussi hors sujet,
- Jugnot en pathétique chef pirate qui dirige un équipage amputé du petit boiteux qui parle en citations grecques et surtout de la vigie (il y a bien quelqu'un en haut du mat, mais il n'est pas africain...),
- le marchand phénicien remplacé par un
running-gag de Pakistanais "sans papyrus" joué par un blanc peinturluré qui prend l'accent vietnamien...
Rien ne colle, rien n'est cohérent, le tout est englobé d'une jolie photo, de jolis effets spéciaux et d'une production design soignée, mais l'ensemble arrive comme un cheveux sur la soupe du PAF (tiens, ça ferait un bon nom normand ça). En parlant de Normands, vous remarquerez que j'en ai peu parlé : c'est normal, ils ne servent strictement à rien. L'ajout des déboires de Goudurix est ici la demi-heure de trop qui ne fait avancer en rien une histoire qui patauge déjà pas mal dans le sanglier bouilli.
Pas d'humour, pas de cohérence, des acteurs ridicules essayant tant bien que mal de jouer un texte affligeant, voilà comment on transforme, relax, une perle de la BD franco-belge en Microlax pour fans désespérés. Comme quoi, même en restant fidèle, l'adaptation reste un exercice périlleux, et quand on voit le budget pharaonique pour un résultat qui ne vaut pas un sesterce, on se demande comment ils vont faire pour massacrer le prochain.
Si comme moi, Astérix, vous êtes tombé dedans quand vous étiez petit, faites comme Obélix et ne buvez pas la potion magique enrobée de 3D que ces andouilles de druides ont concoctée. En parlant de Panoramix d'ailleurs, on ne le voit pas dans le film, vous serez prévenus.
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