Je me souviens de mes années fac: fin des années 1980, début des années 1990, à Berkeley (Université de Californie). J’étais alors un jeune conservateur; un vrai monsieur je-sais-tout. Le simple concept de «privilège de l’homme blanc» me faisait doucement rigoler; quant à celles et ceux qui le propageaient, je les accusais de faire dans le «politiquement correct». En tant que réfugié juif ayant échappé à l’Union soviétique, j’estimais qu’il était proprement ridicule de me demander d’expier les péchés de l’esclavage et de la ségrégation –sans même parler des épreuves rencontrées par les femmes (labeur domestique, discrimination sur le lieu de travail). Je n’étais ni raciste, ni sexiste; du moins le croyais-je alors. Je ne m’étais jamais montré discriminant; du moins le pensais-je. Mes ancêtres n’avaient pas possédé d’esclaves, ils n’avaient lynché personne; ils étaient plus susceptibles d’avoir eux-mêmes été victimes de pogroms.