Opération anti-migrants à Mayotte

Les Mahorais sont également nettement lésés dans leurs droits. Ils ne bénéficient pas d’une éducation dans des conditions de scolarité normales. Ils ne peuvent pas se soigner correctement. Le seul hôpital de Mayotte supporte l’offre de soins du plus grand désert médical de France.

« Le nombre de lits représentant à peine 40 % de la moyenne hexagonal, avec 1,56 lit pour 1 000 habitants » détaille un rapport d’information du Sénat de juillet 2022. « « Usine », « traitement industriel », l’activité de maternité et l’hôpital sont aujourd’hui en surchauffe [...] « Le niveau d’activité du CHM (Centre Hospitalier de Mayotte) reste sous tensions sur ses capacités d’hospitalisation avec certains secteurs plus impactés et qui connaissent des taux d’occupation très élevés bien au-delà de leur capacitaire », relève encore la commission des affaires sociales.

Les habitants de l’île sont également privés d’eau - deux coupures de 48h par semaine sont attendues dans les prochains jours - faute de ressource et à défaut de travaux structurants accumulant du retard. Car il faut faire face à une démographie galopante, avec des besoins augmentant de 4,5% par an. Démographie elle-même portée par une natalité élevée : une classe de près de 30 élèves naît chaque jour, essentiellement de mamans comoriennes. Côté papas, le chiffre est équilibré entre Mahorais et Comorien.


Des jeunes d’un quartier qu’ils nomment « Favela » à Kawéni, profite des maigres aménagements urbains réalisés au pied des bidonvilles. Plusieurs projets de rénovation urbaine et de réhabilitation pourraient ne pas résister aux mâchoires d’acier de « Wuambushu ».
Grégoire Mérot
À 18 ans, la moitié des élèves selon la « CGT Educ’action » quitte le lycée avec une condamnation à l’errance. Beaucoup, nés à Mayotte et ayant vécu toute leur vie sur le territoire, ne peuvent pas s’inscrire dans l’enseignement supérieur ni s’insérer sur le marché du travail. Des années entières sont perdues par les restrictions d’accès aux titres de séjour, lesquels ne permettent pas de se rendre sur le reste du territoire français. À 18 ans, des milliers d’élèves basculent dans une « clandestinité forcée », alors que la petite île de 374 km2 est un brasier aussi densément peuplé que l’Île-de-France.

L’ensemble des services publics de base est saturé, défaillant. Le Défenseur des droits résume ainsi : « les droits fondamentaux – le droit à l’éducation, à la sûreté, à la santé, le droit à vivre dans des conditions décentes, notamment - y sont gravement entravés du fait de la carence des services publics. ».

Dans ce contexte, l’immigration comorienne est la cible privilégiée de l’État, qui expulse près de 25 000 personnes par an depuis 2018 sans que la situation sur place ne s’améliore. Pire, elle plonge vers des abysses. Les nombreuses disparitions en mer des candidats au retour vers Mayotte alimentent les rancoeurs à l’égard du pouvoir comorien comme du pouvoir français, des deux côtés du lagon.  


Un intercepteur de la police aux frontières.
Grégoire Mérot

« Sois on tue, sois on se fait tuer. La prison c’est pour nous tous ». Aux abords d’un quartier de Mtsapere (Mamoudzou) en novembre 2022.
Grégoire Mérot
De l’un, on dessine un président-colonel coupable de trahison pour avoir plié face à la France, d’être à la tête d’un appareil autoritaire et corrompu, privant sa population de tout espoir et de ses droits aux services publics les plus élémentaires... Sur l’autre rivage on prépare une opération d’envergure militaire pour ajouter au déséquilibre structurel de la région en prévoyant, sur deux mois, autant de destructions de cases en tôle et d’expulsions que sur un an. Pour rappel, environ 10 000 personnes ont déjà été délogées sans qu’au bout de six mois, plus rien ne les abrite.

Les expulsés sont à la rue, dans la mangrove ou la forêt, sans même une nouvelle case en tôle, dans un cycle d’appauvrissement et de détérioration continuels de leurs conditions de vie. Les tenants locaux de l’opération vantent une reprise des terres pour le développement économique et le relogement alors qu’aucun schéma de construction ne permet d’imaginer un logement adapté pour tous les ménages. Le SIAO de la Croix Rouge, regroupant l’ensemble des dispositifs de mise à l’abri et de relogement d’urgence se retrouve dans l’incapacité de répondre aux besoins avec un maigre parc de 1600 places d'hébergement déjà largement sous pression. Les plus précaires et notamment les femmes, mère de nombreux enfants dans un foyer souvent déserté par les pères, sont les principales victimes de cette absence totale de planification. Pour rappel, 40% de cette population (française) vit avec moins de 160 euros par mois.

Des expérimentations ont eu lieu, comme des auto-constructions à moindre coût. Certaines opérations de résorption de l’habitat insalubre prônent un renouvellement urbain « en douceur », intégré, discuté avec les populations. Des projets mineurs et dérisoires face aux militaires en armes prêts à dégainer et à la toute puissance destructrice de « Wuambushu ». ici