Maintenant que la manif' est passée, parlons clairement.
Cette tragédie illustre à l’extrême l’échec patent d’un certain modèle d’intégration. Si l’intégration avait marché, tous ces jeunes ne seraient pas devenus les tueurs que l’on a vu à l’oeuvre ces derniers jours, et d'autres exaltés qui n'ont pas (encore) gravement dérapé.
Posons-nous cette question: qui est le plus "adolescent attardé" ?
Celui (ou ceux) qui se proclame artiste du crayon et s’accorde le droit de heurter la sensibilité de nombre de personnes -qui dans leur grande majorité sont pacifiques- au motif qu’il prétend rendre plus intelligents quelques intégristes qui ne représentent qu’une minorité ?
Ou
Celui qui pense qu’il y a des limites que l’on s’honorerait, dans certains contextes et dans certaines situations, à ne pas franchir ?
Le sens de l’humour n’est pas le même pour tous, on semble beaucoup trop l’oublier. On n'est pas ici au spectacle où les gens savent ce qu'ils vont voir et paient pour. Non, les journaux s'affichent à la vue de tous. Très franchement, j’ai du mal à comprendre comment la provocation grossière peut convaincre les “cons” de devenir plus intelligents; j’ai l’impression que l’effet obtenu est inverse, ils prennent très mal la chose et se braquent un peu plus. Alors bien sûr, cela ne signifie en rien qu'il faille édulcorer nos pensées et nos écrits au point de ne plus causer religion ou spiritualité. Mais il y a des limites et il vaut mieux soupeser et trouver un terrain d'entente à ces limites que de dire: "si ça te plaît pas on s'en fout, ici c'est comme ça".
C'est cela la liberté d'opinion ?
Oseriez-vous haranguer votre voisin de vive voix, face à face, au fait qu'il est bête et méchant (même s'il l'est au demeurant), ou disant que sa fille est une andouille que personne ne veut fréquenter ? J'en doute. Imprimer et diffuser un journal c'est plus facile, c'est personne et tout le monde à la fois. Une équipe rédactionnelle derrière une façade; l'ennui c'est que cette protection n'a servi à rien.
Et puis il y a autre chose qu'on omet de dire. Charlie Hebdo était en train de mourir lentement faute de lecteurs, quelles qu’en soient les raisons, et que cette tragédie conduit à une survie artificielle d’un journal qui tournait sur lui-même à l’agonie, un journal dont la ligne éditoriale est d’être un journal athée, provocateur, voire vulgaire à l'occasion, donc au-dessus des autres, qui tape sur toutes les religions en confondant religion et intégrisme, grossièreté et gaudriole franchouillarde.
Qui achetait Charlie Hebdo auparavant ? Une sorte de torchon journalistique si peu représentatif de la vraie liberté d’expression, uniquement la leur, celle qui dit: "ma liberté commence là où se termine la tienne" ? C'est ça le vivre ensemble ?
Nous vivons une époque où, plus que jamais, il faut se méfier de la portée des mots, du poids des images. Les salariés et pigistes de Charlie Hebdo savaient très bien qu’ils allumaient l’étincelle d’un formidable explosif: ils ont joué de la liberté. La question à poser est la suivante: a-t-on le droit, quel que soit son camp politique ou idéologique, de blasphémer, de froisser les susceptibilités de ceux qui se nourrissent de la spiritualité -le vraie, pas l'intégriste- sous prétexte qu'on vit dans une société laïque ?
Là et pas ailleurs se trouve la clef de notre coexistence.
Ceci n'absous évidemment pas les criminels et les horreurs qu'ils infligent aux journaliste et aux innocents.
Tout homme disposant d'un pouvoir,
est susceptible d'en abuser
MONTESQUIEU
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