En attribuant le prix Nobel de littérature à la Biélorusse Svetlana Alexievitch, qui faisait figure de grande favorite, l’académie suédoise récompense une auteure qui a la passion du réel. De livre en livre, cette écrivaine engagée, née en Ukraine en 1948, dénonce la guerre, la violence, le mensonge dont fut tissée l’histoire de l’ancien empire soviétique. Première femme de langue russe à recevoir cette récompense, elle prend la suite de Pasternak (1958), Soljenitsyne (1970) et Brodsky (1987). Son œuvre forte et cohérente chemine à la lisière du documentaire. Les livres de Svetlana Alexievitch – six à ce jour – sont bâtis à partir de récits, tous patiemment collectés, dans un souci de vérité et de justesse. « Je vais vers l’homme pour rencontrer son mystère », dit-elle, « d’âme à âme, parce que tout se passe là ». Svetlana Alexievitch n’a jamais recours à la fiction : seul le récit lui paraît être véritablement à la hauteur de ce qui arrive. Elle en donne la preuve dès son premier ouvrage, La guerre n’a pas un visage de femme, publié en 1985, rassemblant les souvenirs des combattantes de la seconde guerre mondiale. Rompant avec la geste héroïque, l’ouvrage fait entendre la vérité de cette « inhumaine besogne humaine » qu’est la guerre. Il est jugé « antipatriotique, naturaliste, dégradant » par les pouvoirs en place. Mikhaïl Gorbatchev, malgré la polémique, n’interdit pas le livre. Il se vend en URSS à plusieurs millions d’exemplaires.
LE MONDE
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Marie