Il s’appelait Régisseur. C’était un taureau costaud. Il était l’idole des arènes camarguaises, une star des courses à la cocarde couronnée du titre convoité de Biou d’or. Une bête agressive à souhait, morte de sa belle mort en 1965, comme l’indique sa tombe dressée devant le mas de la manade Raynaud. « Ses cornes sont accrochées au-dessus de l’entrée, précise fièrement Frédéric, le fils de cette dynastie d’éleveurs. Chez nous, ce n’est pas la corrida : nos taureaux, quand ils sont blessés, on les soigne, et quand ils ont eu une grande carrière, ils ont droit à une retraite tranquille. »
Avec sa chemise au motif provençal un peu passé au soleil, le manadier incarne à merveille l’une de ces figures centrales de la Camargue éternelle chère à Frédéric Mistral. C’est en selle qu’il s’occupe de ses champions : une quinzaine de chevaux et 250 taureaux et vaches qui paissent librement au milieu des lapins et des perdreaux, au bord de la Méditerranée, entre Gard et Bouches-du-Rhône.
Mais pour combien de temps ? Ces terres louées à la municipalité des Saintes-Maries-de-la-Mer depuis une cinquantaine d’années, ont beau s’étendre sur un millier d’hectares, elles ne suffisent plus à nourrir le troupeau à qui il faudra bientôt fournir du foin toute l’année. Car le sel marin, qui brûle l’herbe et fait mourir les pins, avance rapidement. La famille commence à contrecœur à chercher d’autres pâtures. La végétation qui s’appauvrit n’est pas le seul souci du littoral de Camargue. D’Aigues-Mortes à Port-Saint-Louis-du-Rhône, l’érosion est spectaculaire...
LE MONDE
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Marie