Comment une drogue peut-elle rendre cannibale ? [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Rudy Eugène (à gauche), surnommé le "zombie de Miami" a été abattu par la police de Miami le 26 mai alors qu'il attaquait Ronald Poppo, un SDF (à droite) © Reuters
Rudy Eugene s'est jeté sur un sans abri à Miami pour lui dévorer une partie du visage. L'"attaque zombie" a très vite été attribuée par la police a une nouvelle drogue baptisée "sel de bain". Rudy Eugene, 31 ans, a été abattu par la police de Miami alors qu'il venait de dévorer la majeure partie du visage d'un SDF. Cette affaire n'est pas un cas isolé. Toujours à Miami, un SDF de 21 ans interpellé par la police a menacé de manger les agents, avant de tenter de mordre l'un deux.
1. Les sels de bain, c'est quoi ?
"Septième ciel", White Lightening (foudre blanche) ou Vanilla Sky :
ces produits dopants, connus sous le nom de "sels de bain", ont des effets proches de ceux des amphétamines. Interdits dans plusieurs États américains, mais pas au niveau fédéral, ils sont inscrits sur la liste noire des produits sous surveillance par la DEA (Drug Enforcement Administration) depuis octobre 2011. Malgré cette surveillance renforcée,
ils pouvaient aisément s'acheter dans les petites boutiques de quartier ou sur le web, entre 25 et 50 dollars (18 à 36 €) le sachet de 50 milligrammes.
Conditionnée sous forme de poudre, la drogue peut-être inhalée, avalée ou injectée.
Ces effets sont imprévisibles : relaxation, euphorie, hallucinations, crises de panique, agressivité, voire tendance à "utiliser sa mâchoire comme une arme", selon le Dr Adams, interviewé dans le
Huffington Post...
Les sels de bains ont
fait irruption aux États-Unis très récemment, en 2010. En l'espace d'un an, leur consommation a explosé :
"On est passé de 300 cas rapportés dans les centres antipoison en 2010 à plus de 6 000 en 2011", rapporte Mark Ryan, directeur d'un centre antipoison en Louisiane. Or, on estime que les cas rapportés représentent seulement 25 % des cas réels.
Encore peu répandus en France, les sels de bains ne devraient malheureusement pas tarder à faire leur apparition dans l'hexagone, selon le Docteur Le Strat, addictologue à Colombes, interrogé par
LePoint.fr.
2. Comment agissent-ils sur le cerveau ?
Ils sont fabriqués à partir de
cathinones synthétiques, des molécules de synthèse qui imitent l'alcaloïde naturel présent dans les feuilles de khat, un arbuste africain. Dans la famille des cathinones synthétiques, on trouve la
méphédrone et le méthylene-dioxy-pyrovalerone (MDPV), présents dans les sels de bains.
Contrairement aux opiacés, qui ont un effet calmant, les cathinones sont des
stimulants du système nerveux central. Ils
augmentent la vigilance et diminuent la sensation de fatigue et de sommeil, comme les amphétamines et la cocaïne.
Tout comme les amphétamines, la méphédrone provoque la libération de dopamine et de noradrénaline par les neurones - des neurotransmetteurs sont impliqués dans la sensations de plaisir.
On l'appelle "agoniste" de la dopamine, car sa structure moléculaire imite celle de la dopamine elle-même, lui permettant de s’infiltrer au sein des neurones dopaminergiques. La MDPV, de son côté, agit davantage comme la cocaïne.
Il s'agit d'un "inhibiteur de la recapture" de dopamine. Il n'augmente pas la quantité libérée, mais au contraire empêche la dopamine d’être évacuée. En temps normal, la dopamine est d'abord libérée dans la fente synaptique entre deux neurones, puis recapturée afin de ne pas etre transmise en trop grandes quantité. Le MDPV empêche cette recapture, et fait donc augmenter la concentration de dopamine transmise entre les neurones.
Ces deux effets se cumulent donc et se renforcent mutuellement. Dans les deux cas,
la libération de de grandes quantités de dopamine stimule un réseau de neurones bien particulier, responsable du plaisir et du bien-être, baptisé "circuit de la récompense", qui provoque l'euphorie. 3. Sont-ils plus dangereux que les autres drogues ?
Tout dépend de la quantité consommée, et de la fréquence de l'utilisation. Bien que ses effets généraux soient réputés moins puissants que l'extasie ou les amphétamines, la consommation de méphédrone induit souvent une
deuxième phase particulièrement violente, durant laquelle l'individu est pris de paranoïa et ressent des crises d'angoisse. Les sels de bain peuvent également provoquer une forte
hyperthermie, les témoignages rapportant une
sensation de "brûler de l'intérieur"... ce qui explique la tendance des consommateurs à se dévêtir.
De plus, les sels de bains sont souvent l'arbre qui cache la foret de la toxicomanie, et leurs effets sont en général la
combinaison de plusieurs psychotropes. Selon le rapport du CDC (Center for Disease Control and prevention), ils sont généralement consommés avec d'autres drogues.
Bien que cette drogue ait été rapidement pointée du doigt comme bouc émissaire,
tous les psychotropes sont susceptibles de provoquer des délires. Les utilisateurs consommant d'importantes quantités d'amphétamines sur une longue période sont également susceptibles de développer une "psychose toxique amphétaminique ". Proche de la schizophrénie paranoïde, elle se manifeste par les
hallucinations, des délires paranoïaques, et des comportements étranges et violents.
L'histoire de Rudy Eugene aura eu le mérite de provoquer une prise de conscience sur la dangerosité des sels de bain, notamment au Canada, où le gouvernement a décidé d'interdire le MDPV.
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