Depuis près de soixante-dix ans, la zone est soumise aux soubresauts du conflit israélo-arabe. Mais aucun des belligérants n’est responsable de l’état de la mer Morte. C’est un excès de sel qui semble à l’origine de ce meurtre géologique perpétué bien avant l’âge des médecins légistes.
Avec 27,5 % de sel, l’eau de cette mer bat avec une marge considérable le taux de salinité moyen des étendues d’eau de son espèce : 2 % à 4 % environ. Rien que le chiffre rend nerveux les hypertendus. Les poissons et les algues, eux, ne peuvent survivre dans ce milieu plus salé qu’une addition dans un restaurant de caviar, et c’est leur absence qui justifie son appellation de « mer morte ». L’enquête suit toujours son cours, avec quelques centaines de milliers d’années de retard sur le dossier. La mer elle-même n’est pas aussi innocente qu’elle paraît : c’est de fait un lac, et cette usurpation d’identité est suspecte.
Trésors minéraux
Pour ce qui est de savoir qui a lâché la salière, quelques pistes se dessinent. Son nom hébreu, « mer de Loth », peut laisser penser que le patriarche biblique se serait débarrassé là des restes de sa femme, transformée en statue de sel pour avoir regardé derrière elle lors de sa fuite de Sodome.
Pour l’instant, rien ne coule de source, mais le pillage organisé de ce cadavre aqueux ne facilite pas le travail des enquêteurs : les laboratoires de cosmétiques puisent allègrement dans les trésors minéraux de la mer Morte pour fabriquer des produits naturels à succès. L’assèchement en cours de cette mer richissime inquiète également les scientifiques et fait grimper le taux de salinité vers les sommets. La solution ? Allonger tout cela à l’eau douce. La mer Morte aurait donc un point commun avec le pastis… Une piste à suivre.