Debout face à ses camarades, Ionel, 53 ans, n’en mène pas large. Florence l'a prévenu :
"Rappelez-vous, c’est comme une vraie cérémonie, on n’enterre les gens qu’une seule fois." Dans la petite pièce vitrée, qui s'ouvre sur un jardin, le silence s’installe et même si ce n’est qu’un exercice, l’air est dense. Sans doute à cause des deux cercueils qui trônent le long du mur.
L'homme – silhouette massive, tempes grisonnantes – se lance. Dans sa bouche, il y a des "r" qui roulent comme des cailloux. C'est du roumain.
Nous sommes à l’Ecole nationale des métiers du funéraire (ENAMEF), à Paris. Ici, pendant près d’un mois, neuf personnes apprennent les métiers de conseiller funéraire et de maître de cérémonie.
Parmi eux, six hommes et trois femmes. Essentiellement des reconvertis, d’autres qui travaillent déjà comme porteurs ou convoyeurs et que leurs patrons veulent valoriser. Leur formatrice, c’est Florence Fresse, une petite dame rousse cash mais bienveillante, qui préside la fédération française des pompes funèbres.
Pour mon rôle de célébrante d'obsèques catholiques, j'ai eu une formation sur 3 ans. Nous avons aussi fait une célébration fictive à l'issue de notre formation. La difficulté est de ne pas se laisser toucher par le chagrin des proches. Notre rôle n'est pas de pleurer avec la famille mais d'être ceux qui sont là pour permettre aux proches de faire un dernier au-revoir dans la paix. Il nous arrive d'être touchés, d'avoir les yeux qui mouillent notamment dans des circonstances exceptionnelles comme un enfant, un suicide, le décès d'une personne jeune... mais on ne doit surtout ne pas laisser l'émotion nous submerger. Comme pour les pompes funèbres qui eux aussi sont tenus à de la rigueur, à de l'apaisement.
Mais c'est une belle mission pour moi. J'aime beaucoup ça, être présent auprès des familles, les écouter, préparer avec eux ce dernier moment et ensuite le diriger. Il n'y a rien de plus gratifiant que d'entendre les familles nous dire à la fin : merci de nous avoir permis de vivre ses derniers instants dans la paix.