" Charlestown, 18 Août 1927,
Mon fils, mon compagnon,
Je veux t'écrire avant que nous partions
A la Maison de la mort car le 22, après minuit,
Vers la chaise électrique on nous poussera…
Pourtant, me voici empli d'amour
Et cœur ouvert, aujourd'hui comme hier.
Si j'ai cessé la grève de la faim, l'autre jour,
C'est parce que la vie s'en allait de moi…
Hier, par cette grève, je parlais fort…
Je proteste encore au nom de la vie, contre la mort.
Trop de larmes inutiles ont coulé,
Comme celle de ta mère,
Pour rien, pendant sept ans; alors ne pleure pas,
Sois fort et tu pourras la réconforter…
Et si tu voulais lui faire oublier
Sa solitude sans colère,
Emmène-là marcher, longtemps,
Dans la campagne…
Et à l'ombre des bois fais-la reposer…
Écoutez la musique du ruisseau qui murmure
Et la paix tranquille de la Nature…
Dans ta course vers le bonheur,
Arrête-toi, mon fils, cherche l'horizon :
Aide les faibles, les victimes et les persécutés,
Car toujours ils seront tes meilleurs amis.
Comme ton père et Bartolo, ils luttent
Et tombent pour tous et pour la liberté…
Au combat de la vie, tu trouveras l'amour
Et tu seras aimé : c'est ton droit aussi…
Faites comprendre au monde
Que rien n'est terminé :
On ne peut tuer nos corps,
Mais jamais nos idées.
C'est tout le Massachusetts
Qui portera dans l'avenir la honte de ce temps.
Qu'une école remplace enfin cette maison,
Que des rires d'enfants effacent les prisons.
N'oublie pas de m'aimer un peu
Comme je t'aime, oh petit homme ;
J'espère que ta mère t'aidera à comprendre
Ces mots que je te donne… Adieu mon garçon.
Je t'envoie le salut de Bartolo.
Ton père et ton camarade,
Nicola Sacco "
Bartolomeo Vanzetti & Nicolas Sacco, anarchistes italiens vivant aux Etats-Unis, ont été victimes d'une conspiration politico-judiciaire et arrêtés en mai 1920, accusés d’avoir assassiné deux employés de banque. Une accusation infondée car les deux hommes avaient des alibis en béton et malgré les témoignages irréfutables les innocentant, malgré les aveux d’un autre homme, ils seront condamnés à mort en 1921. Pendant toute la durée de la détention, ils ont muliplié les démarches et demandes de révision de peine jusqu’à leur exécution dans la nuit du 22 au 23 août 1927. Cette lettre testament adressée à son fils de Sacco écrite quatre jours avant son exécution est terriblement émouvante mais témoigne aussi d’un sang-froid étonnant…
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