PARIS-AMAZONIE. A l’heure où la plus grande forêt de la planète est si menacée, la romancière franco-brésilienne Nathalie Maranelli nous livre une série de récits sur ce monde qu’elle connaît bien. Episode 2.
Elle s’était levée avec un certain entrain ce matin-là. Son premier geste était celui d’allumer le vieux transistor qui se trouvait au pied de son lit. Son chanteur à « ballade », Roberto Carlos, racontait d’une voix suave, ponctuée d’un léger trémolo, un amour trahi. Ignacia connaissait toutes les paroles par cœur. Elle s’apprêtait à faire sa toilette et à s’habiller seule. Sa robe bleue et imprimée de fleurs s’harmonisait avec la couleur de ses yeux. Difficile de distinguer la vraie couleur de ses pupilles – un bleu gris – peut-être… Des yeux clairs ! Sûrement une aubaine pour une femme de couleur au Brésil. Dès que sa petite-fille passait quelques jours chez elle, elle restait tout contre « avó » (grand-mère, en portugais), de peur qu’elle disparaisse, d’un coup.
Ignacia brossait ses cheveux blancs, ils n’étaient pas crépus mais ondulés et soyeux. Elle lui expliquait que c’était une chance d’avoir de « bons cheveux », Livia acquiesçait avec grand un sourire. Elle voyait bien ce qu’elle voulait dire et l’avait toujours entendu tenir ce discours : « Il vaut mieux avoir des cheveux qui se rapprochent de la texture de ceux des blancs. Souples et maniables. » Ignacia terminait de les coiffer, avec délicatesse, maintenus vers l’arrière comme toujours. Elle s’installait sur un tabouret pour pouvoir s’appliquer de la crème, ouvrait le flacon et prenait le temps de respirer son parfum – fruit de la passion.
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j'ai aimé cette petite nouvelle racontant l'histoire vraie de cette centenaire. On y voit la vie dure qu'elle a eu et cette vieillesse apaisée, rassurante avec un esprit libre et simple. J'espère que vous aurez le même plaisir à découvrir Ignacia
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