Un étudiant français accusé d’un vaste piratage par le FBI arrêté au Maroc

Le jeune Français, originaire d’Epinal (Vosges), serait dans le collimateur des agents du FBI depuis plusieurs mois. Ces derniers le soupçonnent d’être « un des membres importants » du groupe de hackers des ShinyHunters – une référence à l’univers des Pokémon –, présentés comme « des cybercriminels prolifiques » par les autorités américaines. Apparus au printemps 2020, ces cyberpirates ont défrayé la chronique en proposant à la vente sur le darknet près de 200 millions de données volées après s’être introduits dans les systèmes informatiques d’une douzaine de sociétés à travers le monde ou bien en demandant des rançons à leurs cibles. Parmi les victimes évoquées : Microsoft ou encore Tokopedia, un important acteur de l’e-commerce en Indonésie. Une compagnie indienne se serait aussi vu demander par le groupe la somme de 1,2 million de dollars en bitcoins en échange de la restitution de ses données.

Les Etats-Unis réclament son extradition pour des faits de « complot en vue de commettre une fraude et abus électronique », « fraude électronique » et « vol d’identité grave ». Selon l’enquête du FBI, ces infractions auraient été commises à partir d’adresses IP françaises, mais aussi plus récemment d’adresses IP marocaines, qui seraient reliées à Sébastien Raoult. Les enquêteurs américains auraient également mis la main sur des conversations attribuées au Français sur des plateformes dans lesquelles il évoquerait lesdits piratages.

« Il nie fermement les faits et affirme que ses comptes ont été utilisés à son insu », clame le père de Sébastien Raoult. Ce sont des amis de son fils venus le chercher à l’aéroport de Bruxelles qui, ne le voyant pas descendre de l’avion et ne parvenant pas à le joindre, l’ont prévenu de sa disparition. Le soir même, il appelle le consulat français au Maroc sur le numéro d’urgence. Ce n’est que le surlendemain qu’il obtient une réponse : son fils a été arrêté à l’aéroport, sans qu’on lui précise les raisons de cette interpellation. « Ils m’ont juste dit qu’il ne s’agissait ni d’un crime de sang ni d’une atteinte à la sûreté de l’Etat. On n’est jamais préparé à ce genre de situation », explique-t-il.

« Il se sent un peu abandonné… »

Selon son père, le jeune Français, actuellement placé sous écrou extraditionnel, serait incarcéré dans « des conditions aussi bonnes que possible dans ce genre de situation » : « Bien sûr, il fait figure d’oiseau rare dans cette prison, les détenus étaient principalement là pour des affaires de vol ou de drogue. Mais il va bien, il a un mental d’acier, même s’il se sent un peu abandonné par la France », explique-t-il à « l’Obs ».

Une première audience d’extradition s’est tenue ces derniers jours. Le fond de l’affaire n’y a pas encore été abordé.

Aspirant à travailler dans la sécurité informatique, Sébastien Raoult avait décidé en décembre d’arrêter ses études pour « courir le monde ». Lui qui, sur les réseaux sociaux, se présente comme un « nomade digital » et aurait appris à parler anglais devant son ordinateur, selon son père.

Dans son projet de tour du monde, on devine toutefois le jeune homme peu enclin à aller visiter les pénitenciers américains. Aux Etats-Unis, Sébastien Raoult risque une peine de 116 ans de prison pour les faits qui lui sont imputés. « La demande d’extradition soumise par les Etats-Unis revient de fait à l’exposer à une peine d’emprisonnement perpétuel prohibée par l’article 3 de la CEDH [Convention européenne des Droits de l’Homme, NDLR] », clame Me Philippe Ohayon, l’avocat du jeune homme.

Parole de cyberflic : « Personne n’est à l’abri d’une cyberarnaque »

En France, les infractions reprochées seraient passibles d’un maximum de cinq ans d’emprisonnement, selon l’avocat. Ce dernier s’apprête donc à demander son extradition vers la France auprès du procureur de la République d’Epinal, là où les faits auraient été commis : « Nous sollicitons que des poursuites soient engagées en France concernant les faits reprochés et l’émission d’une demande d’extradition à son encontre, avance Me Philippe Ohayon. On ne recherche pas l’impunité, nous demandons seulement à être jugés là où nous pouvons nous défendre. »

Un courrier vient d’être envoyé au président de la République Emmanuel Macron et au ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti afin de les informer de la situation du jeune Français.

Selon nos informations, quatre autres Français, suspectés d’appartenir au même groupe, auraient été récemment auditionnés dans ce dossier par les policiers de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux techniques de l’information et de la communication. Et ce dans le cadre d’une demande d’entraide pénale internationale émanant des Etats-Unis datée de mai 2022. Ils auraient également fait l’objet de perquisitions.

Contacté par « l’Obs », le parquet de Paris n’a pas répondu à notre demande.