Rappel du premier message :Le contrôleur général des lieux de privation de liberté Jean-Marie Delarue a rendu ce lundi son rapport annuel. Et déplore l'absence d'amélioration des conditions de détention. Interview. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]l a déjà vivement dénoncé début décembre l'insalubrité du centre pénitentiaire des Baumettes et attend d'y retourner avant de se prononcer à nouveau sur ce cas marseillais. Mais pour l'heure, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) Jean-Marie Delarue vient de rendre public son rapport annuel (2012) lundi 25 février. Il y présente un bilan des lieux de privation de liberté : établissements pénitentiaires, centres de rétention... Auxquels il souhaiterait voir ajoutés les EHPAD (Etablissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), qui peuvent parfois intégrer certaines personnes "à l'insu de leur plein gré".
"Le Nouvel Observateur" a questionné le contrôleur général des lieux de privation de liberté Jean-Marie Delarue.
Comment ont évolué les conditions de détention en 2012 ?- Elles ne se sont pas améliorées. Elles se sont maintenues à un niveau qui n'est pas celui de la dignité des personnes puisque, comme on le sait, il y a une surpopulation récurrente dans les prisons françaises, singulièrement dans les maisons d'arrêt. Nous avons dénoncé cela dans un avis public au printemps dernier. Mais nous sommes face aujourd'hui à un statu quo : le nombre de détenus n'a pas encore diminué. Si on veut traiter les personnes dans des conditions acceptables et si on veut rendre leur réinsertion efficace, il faut pourtant qu'il diminue. Pas beaucoup d'amélioration, donc, sur ce point.
Nous avons également constaté que le travail de la pénitentiaire, très engagé il y a deux ou trois ans sur l'expression collective des détenus, a été arrêtée au printemps 2012, sans que nous en connaissions très bien les raisons. Donc pas d'amélioration non plus de ce côté.
En revanche, des engagements ont été pris. La garde des Sceaux a eu l'occasion de dire que l'état actuel des prisons la laissait insatisfaite, ce à quoi nous souscrivons. La recherche de solutions est également lancée : la conférence de consensus s'est mise au travail dès le mois de septembre. Nous attendons dans les prochains mois des améliorations qui résulteront à la fois des modifications de la loi pénale et des mesures intrinsèques à la pénitentiaire.
Du fait des difficultés budgétaires, vous dites que certains détenus dans certaines prisons doivent désormais "cantiner", c'est-à-dire acheter leurs sacs poubelles...- En effet. Comme n'importe quelle autre administration, la pénitentiaire a des problèmes de crédit. Il faut faire des économies, et on les fait maintenant sur les dotations en fonctionnement des crédits pénitentiaires. Ce qui amène les chefs d'établissements en difficulté à devoir choisir quelle prestation pour les détenus diminuer. Mais comme ces prestations sont rares, puisque la prison est tout de même le règne de la pénurie, la question est de savoir sur quelles prestations toutes essentielles diminuer le crédit ?
Il en est de même pour les produits ménagers, distribués aujourd'hui plus chichement que par le passé. Au lieu d'une dotation tous les 15 jours, on passe à trois semaines. Ce qui n'accroît pas l'inconfort – on n'est pas dans le confort depuis longtemps en prison -, mais l'indignité des conditions de vie des personnes détenues. Il est en outre illogique de leur faire payer les produits d'entretien puisque le code de procédure pénale dit clairement que l'entretien n'est pas à la charge du détenu mais de la collectivité.
Vous préconisez un usage bien plus large de l'informatique en prison ainsi qu'un accès à internet. Pour quelles raisons ?- Pas question évidemment de livrer l'informatique et toutes ses libertés aux criminels les plus endurcis. Mais sous réserve d'un usage contrôlé, l'informatique peut être en prison un formidable instrument de contact avec les familles, et d'assurance, capable de les rasséréner et ainsi de ramener du calme en détention. Par ailleurs, l'informatique peut être un formidable instrument d'insertion pour rechercher un travail, un logement... Il peut être également un instrument d'activité professionnelle dans les prisons. Il y a certes quelques ordinateurs en prison, mais il faut en élargir et en faciliter la disponibilité, et donner l'accès à internet, qui n'est pas accordé aujourd'hui.
Certains risquent d'y voir le risque, pour certains détenus, de poursuivre leurs trafics et leurs activités illégales en détention...- C'est déjà le cas ! Il n'y a pas de différence de nature entre les conditions de relation avec l'extérieur par internet et par messagerie, et ce qu'on a déjà en prison, à savoir la possibilité de téléphoner. Depuis 2009, tout détenu et tout prévenu peut téléphoner s'il en a l'autorisation - et notamment pour les prévenus, l'autorisation du magistrat en charge de l'enquête. Dans ce cadre, n'importe qui peut téléphoner. Le risque qu'un détenu poursuive ses trafics existe, mais pas plus qu'avec le téléphone.
Comment y remédie-t-on pour le téléphone ? En procédant à des écoutes téléphoniques, les coups de téléphone étant normalement écoutés. Je ne réclame par conséquent rien d'autre pour internet : il faut que les messages envoyés soient lus avant d'être envoyés, et il n'y a aucune difficulté à cela. Je crois qu'il y a plus une paresse conceptuelle qu'un réel danger à empêcher la communication par internet.
Vous préconisez par ailleurs une baisse du délai de rétention à 32 jours et rappelez à l'ordre sur l'enfermement des enfants.- L'allongement en 2011 de la durée de la rétention à 45 jours doit être revu. Je souhaite que le délai soit ramené à 32 jours comme c'était le cas auparavant. Ces 15 jours supplémentaires ne servent à rien : ni en efficacité de la reconduite, ni en je ne sais quelle domestication des étrangers. Cela rend simplement plus difficile la réinsertion de ceux qui ne sont finalement pas reconduits et sont remis en liberté dans la société française. C'est une mesure totalement négative. Quant aux enfants, je souhaite notamment qu'on lève les dernières conditions restrictives qui sont mises en œuvre pour leur rétention. Autrement dit, qu'on aligne le régime de l'Outre-Mer, où l'on peut encore mettre des enfants en rétention, sur le régime métropolitain.
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