Permettez-moi de vous faire partager ce merveilleux poème de Verlaine intitulé : Mon rêve familier
Paul VERLAINE (1844-1896)
Mon rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon coeur, transparent Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême, Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore. Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues, Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
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vasco
Banni
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Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal, Fatigués de porter leurs misères hautaines, De Palos de Moguer, routiers et capitaines Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.
Ils allaient conquérir le fabuleux métal Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines, Et les vents alizés inclinaient leurs antennes Aux bords mystérieux du monde Occidental.
Chaque soir, espérant des lendemains épiques, L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques Enchantait leur sommeil d'un mirage doré ;
Ou penchés à l'avant des blanches caravelles, Ils regardaient monter en un ciel ignoré Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles.
Charles BAUDELAIRE (1821-1867) Brumes et pluies Ô fins d'automne, hivers, printemps trempés de boue, Endormeuses saisons ! je vous aime et vous loue D'envelopper ainsi mon coeur et mon cerveau D'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.
Dans cette grande plaine où l'autan froid se joue, Où par les longues nuits la girouette s'enroue, Mon âme mieux qu'au temps du tiède renouveau Ouvrira largement ses ailes de corbeau.
Rien n'est plus doux au coeur plein de choses funèbres, Et sur qui dès longtemps descendent les frimas, Ô blafardes saisons, reines de nos climats,
Que l'aspect permanent de vos pâles ténèbres, - Si ce n'est, par un soir sans lune, deux à deux, D'endormir la douleur sur un lit hasardeux.
Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles La blanche Ophélia flotte comme un grand lys, Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles... - On entend dans les bois lointains des hallalis.
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir. Voici plus de mille ans que sa douce folie Murmure sa romance à la brise du soir.
Le vent baise ses seins et déploie en corolle Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ; Les saules frissonnants pleurent sur son épaule, Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.
Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle ; Elle éveille parfois, dans un aune qui dort, Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile : - Un chant mystérieux tombe des astres d'or.
II
Ô pâle Ophélia ! belle comme la neige ! Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté ! - C'est que les vents tombant des grands monts de Norwège T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté ;
C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure, A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits ; Que ton coeur écoutait le chant de la Nature Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits ;
C'est que la voix des mers folles, immense râle, Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux ; C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle, Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux !
Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle ! Tu te fondais à lui comme une neige au feu : Tes grandes visions étranglaient ta parole - Et l'Infini terrible effara ton oeil bleu !
III
- Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ; Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles, La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.
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Lydie
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Parmi ses poèmes les plus connus, on peut citer celui intitulé le cancre mais moi ça sera
Pour toi mon amour
Je suis allé au marché aux oiseaux Et j'ai acheté des oiseaux Pour toi mon amour Je suis allé au marché aux fleurs Et j'ai acheté des fleurs Pour toi mon amour Je suis allé au marché à la ferraille Et j'ai acheté des chaînes
De lourdes chaînes Pour toi mon amour Et puis je suis allé au marché aux esclaves Et je t'ai cherchée Mais je ne t'ai pas trouvée mon amour
Chasse à l’ enfant
Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! Au-dessus de l'île on voit des oiseaux Tout autour de l'île il y a de l'eau Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! Qu'est-ce que c'est que ces hurlements Bandit ! Voyou ! Voyou ! Chenapan ! C'est la meute des honnêtes gens Qui fait la chasse à l'enfant Il avait dit j'en ai assez de la maison de redressement Et les gardiens à coup de clefs lui avaient brisé les dents
Et puis ils l'avaient laissé étendu sur le ciment Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! Maintenant il s'est sauvé Et comme une bête traquée Il galope dans la nuit Et tous galopent après lui Les gendarmes les touristes les rentiers les artistes Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! C'est la meute des honnêtes gens Qui fait la chasse à l'enfant Pourchasser l'enfant, pas besoin de permis Tous le braves gens s'y sont mis Qu'est-ce qui nage dans la nuit Quels sont ces éclairs ces bruits C'est un enfant qui s'enfuit On tire sur lui à coups de fusil Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! Tous ces messieurs sur le rivage Sont bredouilles et verts de rage Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan ! Rejoindras-tu le continent rejoindras-tu le continent! Au-dessus de l'île on voit des oiseaux Tout autour de l'île il y a de l'eau.
Je suis comme je suis Je suis faite comme ça Quand j'ai envie de rire Oui je ris aux éclats J'aime celui qui m'aime Est-ce ma faute à moi Si ce n'est pas le même Que j'aime à chaque fois Je suis comme je suis Je suis faite comme ça Que voulez-vous de plus Que voulez-vous de moi
Je suis faite pour plaire Et n'y puis rien changer Mes talons sont trop hauts Ma taille trop cambrée Mes seins beaucoup trop durs Et mes yeux trop cernés Et puis après Qu'est-ce que ça peut vous faire Je suis comme je suis Je plais à qui je plais Qu'est-ce que ça peut vous faire Ce qui m'est arrivé Oui j'ai aimé quelqu'un Oui quelqu'un m'a aimée Comme les enfants qui s'aiment Simplement savent aimer Aimer aimer... Pourquoi me questionner Je suis là pour vous plaire Et n'y puis rien changer.
Je suis comme je suis. A peine six mots et voilà que je me reconnais parfaitement dans cette phrase. Etonnant non ? ... Et bien non ! Simple mais simpliste ! En clair ? du grand Prévert
Le même Prévert qui a su éveiller en moi un flot de curiosité qui ne demandait qu'à sortir. Car c'est bel et bien de la curiosité que j'ai ressenti en découvrant les deux premiers vers de ce génie des mots!!
Ah que de grands auteurs Au verbe doux et flatteur Ils font de l’ombre à barateur Ou sont donc mes admirateurs ? Et mes écrits bienfaiteurs N’intéressent plus les lecteurs ? N’intervenez pas amis(e) modérateurs Je veux l’avis de l’administrateur Qui est censé(e) noter ses auteurs Et surtout …ses rédacteurs !!! ou alors je suis plus à la hauteur certes je ne suis qu'un conteur mais loin d’être un menteur si je vous le dis chers "blabalteurs" que son Altesse ... vient de s'ajouter un an au compteur
Bon anniversaire Altesse
j'ai rien préparé pour l’événement pour des raisons de santé tout simplement
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Dernière édition par barateur le Mar 25 Avr - 12:36, édité 1 fois
Je n'ai qu'une seule chose à dire, à tous les conteurs : très loin d'être un râleur...
L'ami Barateur est un excellent narrateur qui mérite grandement, d'avoir tout un lot d'admirateurs !
*J'espère très sincèrement que les Dames de "Petite Feuille" ne m'en voudront pas trop, de les avoir un petit peu oubliées dans mon très court texte ?! Mais l'emploi du "féminin" n'y aurait pas fait de très jolies rimes !
merci mon ami le charmeur je crois bien en ta clameur aucun doute sur ton admiration surtout après les élections c'est pas pour appâter barateur et en faire un dévoué électeur. ton message est plein de sincérité au prochain tour, en toute sérénité comptes sur ma fraternité
Monsieur le premier Ministre
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Bon anniversaire Altesse
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Merci mon ami du soleil je sais qu'il t'a fallu un effort sachant ta mauvaise santé merci et bon courage à toi
j'ajoute que vous êtes tous formidables dans vos écrits et je vous aime mes amis (e)
Mon poème préféré ? Un poème de Senghor qui magnifie la femme noire
Femme nue, femme noire Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté J'ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux Et voilà qu'au cœur de l'Eté et de Midi, Je te découvre, Terre promise, du haut d'un haut col calciné Et ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l'éclair d'un aigle Femme nue, femme obscure Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d'Est Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l'Aimée
Femme noire, femme obscure Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l'athlète, aux flancs des princes du Mali Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.
Délices des jeux de l'Esprit, les reflets de l'or ronge ta peau qui se moire
A l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisse aux soleils prochains
de tes yeux.
Femme nue, femme noire Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Eternel Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.
Puisque c'est ton métier, misérable poète, Même en ces temps d'orage, où la bouche est muette, Tandis que le bras parle, et que la fiction Disparaît comme un songe au bruit de l'action ; Puisque c'est ton métier de faire de ton âme Une prostituée, et que, joie ou douleur, Tout demande sans cesse à sortir de ton coeur ; Que du moins l'histrion, couvert d'un masque infâme, N'aille pas, dégradant ta pensée avec lui, Sur d'ignobles tréteaux la mettre au pilori ; Que nul plan, nul détour, nul voile ne l'ombrage. Abandonne aux vieillards sans force et sans courage Ce travail d'araignée, et tous ces fils honteux Dont s'entoure en tremblant l'orgueil qui craint les yeux. Point d'autel, de trépied, point d'arrière aux profanes ! Que ta muse, brisant le luth des courtisanes, Fasse vibrer sans peur l'air de la liberté ; Qu'elle marche pieds nus, comme la vérité.
O Machiavel ! tes pas retentissent encore Dans les sentiers déserts de San Casciano. Là, sous des cieux ardents dont l'air sèche et dévore, Tu cultivais en vain un sol maigre et sans eau. Ta main, lasse le soir d'avoir creusé la terre, Frappait ton pâle front dans le calme des nuits. Là, tu fus sans espoir, sans proches, sans amis ; La vile oisiveté, fille de la misère, A ton ombre en tous lieux se traînait lentement, Et buvait dans ton coeur les flots purs de ton sang : "Qui suis-je ? écrivais-tu; qu'on me donne une pierre, "Une roche à rouler ; c'est la paix des tombeaux "Que je fuis, et je tends des bras las du repos."
C'est ainsi, Machiavel, qu'avec toi je m'écrie : O médiocre, celui qui pour tout bien T'apporte à ce tripot dégoûtant de la vie, Est bien poltron au jeu, s'il ne dit : Tout ou rien. Je suis jeune; j'arrive. A moitié de ma route, Déjà las de marcher, je me suis retourné. La science de l'homme est le mépris sans doute ; C'est un droit de vieillard qui ne m'est pas donné. Mais qu'en dois-je penser ? Il n'existe qu'un être Que je puisse en entier et constamment connaître Sur qui mon jugement puisse au moins faire foi, Un seul !... Je le méprise. - Et cet être, c'est moi.
Qu'ai-je fait ? qu'ai-je appris ? - Le temps est si rapide ! L'enfant marche joyeux, sans songer au chemin ; Il le croit infini, n'en voyant pas la fin. Tout à coup il rencontre une source limpide, Il s'arrête, il se penche, il y voit un vieillard. Que me dirai-je alors ? Quand j'aurai fait mes peines, Quand on m'entendra dire : Hélas ! il est trop tard ; Quand ce sang, qui bouillonne aujourd'hui dans mes veines Et s'irrite en criant contre un lâche repos, S'arrêtera, glacé jusqu'au fond de mes os... O vieillesse ! à quoi donc sert ton expérience ? Que te sert, spectre vain, de te courber d'avance Vers le commun tombeau des hommes, si la mort Se tait en y rentrant, lorsque la vie en sort ? N'existait-il donc pas à cette loterie Un joueur par le sort assez bien abattu Pour que, me rencontrant sur le seuil de la vie, Il me dît en sortant : N'entrez pas, j'ai perdu !
Grèce, ô mère des arts, terre d'idolâtrie, De mes voeux insensés éternelle patrie, J'étais né pour ces temps où les fleurs de ton front Couronnaient dans les mers l'azur de l'Hellespont. Je suis un citoyen de tes siècles antiques; Mon âme avec l'abeille erre sous tes portiques. La langue de ton peuple, ô Grèce, peut mourir ; Nous pouvons oublier le nom de tes montagnes ; Mais qu'en fouillant le sein de tes blondes campagnes Nos regards tout à coup viennent à découvrir Quelque dieu de tes bois, quelque Vénus perdue... La langue que parlait le coeur de Phidias Sera toujours vivante et toujours entendue ; Les marbres l'ont apprise, et ne l'oublieront pas. Et toi, vieille Italie, où sont ces jours tranquilles Où sous le toit des cours Rome avait abrité Les arts, ces dieux amis, fils de l'oisiveté ? Quand tes peintres alors s'en allaient par les villes, Elevant des palais, des tombeaux, des autels, Triomphants, honorés, dieux parmi les mortels ; Quand tout, à leur parole, enfantait des merveilles, Quand Rome combattait Venise et les Lombards, Alors c'étaient des temps bienheureux pour les arts ! Là, c'était Michel-Ange, affaibli par les veilles, Pâle au milieu des morts, un scalpel à la main, Cherchant la vie au fond de ce néant humain, Levant de temps en temps sa tête appesantie, Pour jeter un regard de colère et d'envie Sur les palais de Rome, où, du pied de l'autel, A ses rivaux de loin souriait Raphaël. Là, c'était le Corrège, homme pauvre et modeste, Travaillant pour son coeur, laissant à Dieu le reste ; Le Giorgione, superbe, au jeune Titien Montrant du sein des mers son beau ciel vénitien ; Bartholomé, pensif, le front dans la poussière, Brisant son jeune coeur sur un autel de pierre, Interrogé tout bas sur l'art par Raphaël, Et bornant sa réponse à lui montrer le ciel... Temps heureux, temps aimés ! Mes mains alors peut-être, Mes lâches mains, pour vous auraient pu s'occuper ; Mais aujourd'hui pour qui ? dans quel but ? sous quel maître ? L'artiste est un marchand, et l'art est un métier. Un pâle simulacre, une vile copie, Naissent sous le soleil ardent de l'Italie... Nos oeuvres ont un an, nos gloires ont un jour ; Tout est mort en Europe, - oui, tout, - jusqu'à l'amour.
Ah ! qui que vous soyez, vous qu'un fatal génie Pousse à ce malheureux métier de poésie Rejetez loin de vous, chassez-moi hardiment Toute sincérité; gardez que l'on ne voie Tomber de votre coeur quelques gouttes de sang ; Sinon, vous apprendrez que la plus courte joie Coûte cher, que le sage est ami du repos, Que les indifférents sont d'excellents bourreaux.
Heureux, trois fois heureux, l'homme dont la pensée Peut s'écrire au tranchant du sabre ou de l'épée ! Ah ! qu'il doit mépriser ces rêveurs insensés Qui, lorsqu'ils ont pétri d'une fange sans vie Un vil fantôme, un songe, une froide effigie, S'arrêtent pleins d'orgueil, et disent : C'est assez ! Qu'est la pensée, hélas ! quand l'action commence ? L'une recule où l'autre intrépide s'avance. Au redoutable aspect de la réalité, Celle-ci prend le fer, et s'apprête à combattre ; Celle-là, frêle idole, et qu'un rien peut abattre, Se détourne, en voilant son front inanimé.
Meurs, Weber ! meurs courbé sur ta harpe muette ; Mozart t'attend. - Et toi, misérable poète, Qui que tu sois, enfant, homme, si ton coeur bat, Agis ! jette ta lyre; au combat, au combat ! Ombre des temps passés, tu n'es pas de cet âge. Entend-on le nocher chanter pendant l'orage ? A l'action ! au mal ! Le bien reste ignoré. Allons ! cherche un égal à des maux sans remède. Malheur à qui nous fit ce sens dénaturé ! Le mal cherche le mal, et qui souffre nous aide. L'homme peut haïr l'homme, et fuir; mais malgré lui, Sa douleur tend la main à la douleur d'autrui. C'est tout. Pour la pitié, ce mot dont on nous leurre, Et pour tous ces discours prostitués sans fin, Que l'homme au coeur joyeux jette à celui qui pleure, Comme le riche jette au mendiant son pain, Qui pourrait en vouloir ? et comment le vulgaire, Quand c'est vous qui souffrez, pourrait-il le sentir, Lui que Dieu n'a pas fait capable de souffrir ?
Allez sur une place, étalez sur la terre Un corps plus mutilé que celui d'un martyr, Informe, dégoûtant, traîné sur une claie, Et soulevant déjà l'âme prête à partir ; La foule vous suivra. Quand la douleur est vraie, Elle l'aime. Vos maux, dont on vous saura gré, Feront horreur à tous, à quelques-uns pitié. Mais changez de façon : découvrez-leur une âme Par le chagrin brisée, une douleur sans fard, Et dans un jeune coeur des regrets de vieillard ; Dites-leur que sans mère, et sans soeur, et sans femme, Sans savoir où verser, avant que de mourir, Les pleurs que votre sein peut encor contenir, Jusqu'au soleil couchant vous n'irez point peut-être... Qui trouvera le temps d'écouter vos malheurs ? On croit au sang qui coule, et l'on doute des pleurs. Votre ami passera, mais sans vous reconnaître.
Tu te gonfles, mon coeur?... Des pleurs, le croirais-tu, Tandis que j'écrivais ont baigné mon visage. Le fer me manque-t-il, ou ma main sans courage A-t-elle lâchement glissé sur mon sein nu ? Non, rien de tout cela. Mais si loin que la haine De cette destinée aveugle et sans pudeur Ira, j'y veux aller. - J'aurai du moins le coeur De la mener si bas que la honte l'en prenne.
O vieillesse! à quoi donc sert ton expérience? Que te sert, spectre vain, de te courber d'avance Vers le commun tombeau des hommes, si la mort Se tait en y rentrant, lorsque la vie en sort?
Les nuages couraient sur la lune enflammée Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée, Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon. Nous marchions sans parler, dans l'humide gazon, Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes, Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes, Nous avons aperçus les grands ongles marqués Par les loups voyageurs que nous avions traqués. Nous avons écouté, retenant notre haleine Et le pas suspendu. -- Ni le bois, ni la plaine Ne poussait un soupir dans les airs; Seulement La girouette en deuil criait au firmament; Car le vent élevé bien au dessus des terres, N'effleurait de ses pieds que les tours solitaires, Et les chênes d'en-bas, contre les rocs penchés, Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés. Rien ne bruissait donc, lorsque baissant la tête, Le plus vieux des chasseurs qui s'étaient mis en quête A regardé le sable en s'y couchant; Bientôt, Lui que jamais ici on ne vit en défaut, A déclaré tout bas que ces marques récentes Annonçait la démarche et les griffes puissantes De deux grands loups-cerviers et de deux louveteaux. Nous avons tous alors préparé nos couteaux, Et, cachant nos fusils et leurs lueurs trop blanches, Nous allions pas à pas en écartant les branches. Trois s'arrêtent, et moi, cherchant ce qu'ils voyaient, J'aperçois tout à coup deux yeux qui flamboyaient, Et je vois au delà quatre formes légères Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères, Comme font chaque jour, à grand bruit sous nos yeux, Quand le maître revient, les lévriers joyeux. Leur forme était semblable et semblable la danse; Mais les enfants du loup se jouaient en silence, Sachant bien qu'à deux pas, ne dormant qu'à demi, Se couche dans ses murs l'homme, leur ennemi. Le père était debout, et plus loin, contre un arbre, Sa louve reposait comme celle de marbre Qu'adorait les romains, et dont les flancs velus Couvaient les demi-dieux Rémus et Romulus. Le Loup vient et s'assied, les deux jambes dressées, Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées. Il s'est jugé perdu, puisqu'il était surpris, Sa retraite coupée et tous ses chemins pris, Alors il a saisi, dans sa gueule brûlante, Du chien le plus hardi la gorge pantelante, Et n'a pas desserré ses mâchoires de fer, Malgré nos coups de feu, qui traversaient sa chair, Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles, Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles, Jusqu'au dernier moment où le chien étranglé, Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé. Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde. Les couteaux lui restaient au flanc jusqu'à la garde, Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang; Nos fusils l'entouraient en sinistre croissant. Il nous regarde encore, ensuite il se recouche, Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche, Et, sans daigner savoir comment il a péri, Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.
J'ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre, Me prenant à penser, et n'ai pu me résoudre A poursuivre sa Louve et ses fils qui, tous trois, Avaient voulu l'attendre, et, comme je le crois, Sans ses deux louveteaux, la belle et sombre veuve Ne l'eut pas laissé seul subir la grande épreuve; Mais son devoir était de les sauver, afin De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim, A ne jamais entrer dans le pacte des villes, Que l'homme a fait avec les animaux serviles Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher, Les premiers possesseurs du bois et du rocher.
Hélas! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes, Que j'ai honte de nous , débiles que nous sommes! Comment on doit quitter la vie et tous ses maux, C'est vous qui le savez sublimes animaux. A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse, Seul le silence est grand; tout le reste est faiblesse. --Ah! je t'ai bien compris, sauvage voyageur, Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur. Il disait: " Si tu peux, fais que ton âme arrive, A force de rester studieuse et pensive, Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté. Gémir, pleurer prier est également lâche. Fais énergiquement ta longue et lourde tâche Dans la voie où le sort a voulu t'appeler, Puis, après, comme moi, souffre et meurs sans parler."
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Dernière édition par Pestoune le Lun 17 Juil - 12:43, édité 1 fois
Lydie
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Pestoune , je complète Alfred de VIGNY (1797-1863)
En lisant ce poème, des larmes amères coulent lentement sur mes joues :( et noble bête que le loup fier et humble c'est déchirant de faire la constatation de la fin de toutes les merveilleuses créatures sur la planète Et la biensur Je nous exclus … nous les hommes...... C’est en le lisant que j’ai compris la relation stupide de l’homme vis à vis de l’animal ! Sublime merci Pestoune
Merci Lydie, je n'avais pas vu que le nom de l'auteur n'y était plus. Lorsque j'ai mis ce poème, je me suis rendue compte que vous mettiez tous les dates de naissance et de décès des poètes. Du coup j'ai recherché et en collant j'ai du effacer par erreur son nom.
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